Geoffrey Dorne par lui même

Geoffrey Dorne par lui même

Geoffrey Dorne est trop modeste pour l’admettre mais il est indéniablement une des personnalités qui comptent le plus dans le Web aujourd’hui. Avec 5000 visiteurs par jour, son blog, est devenu en l’espace de trois ans une référence pour les aspirants designers et pour les professionnels du web. Mais Geoffrey Dorne est beaucoup plus qu’un blogueur, c’est aussi un touche-à-tout incroyablement productif dont le talent n’a d’égal que la gentillesse et l’humour. Il nous a chaleureusement accueilli dans son atelier près de Paris pour une interview haute en couleurs.

Geoffrey, tu es partout à la fois : webdesigner, graphiste, blogueur, chercheur à l’ENSAAD, enseignant… A quoi tu carbures ? 

Ahah Beaucoup de drogues ! Non, en fait, je fais de bonnes nuits de sommeil ! Plus sérieusement, c’est une combinaison entre une bonne organisation, de la curiosité et surtout la passion de découvrir de nouvelles choses. Je fonctionne beaucoup à l’affectif et je suis capable de bloquer une journée entière si un sujet m’intéresse vraiment. Sans oublier que toutes mes activités, que ce soit les conférences, les cours ou les missions freelance ont un rapport avec le design et le web, elles se nourrissent donc entre elles, je baigne toujours dedans. Et surtout, j’adore ça !

Tu as un parcours assez atypique, le graphisme a-t-il toujours été une évidence pour toi ? 

Tout petit déjà, j’étais passionné par deux choses : les ordinateurs et la bande dessinée. J’ai eu mon premier ordinateur très jeune, un commodore (qui a d’ailleurs sa place à l’atelier) et la bande dessinée a toujours été importante pour moi car elle rassemble deux choses que j’aime beaucoup : le dessin et la lecture. J’ai cherché une filière qui pouvait déboucher sur un métier en rapport avec ces deux passions. J’étais assez bon élève et je me suis orienté en 1ere S avant de me réorienter en Terminal L finalement, car c’était plus simple pour intégrer une école d’art. Mon but était vraiment d’entrer aux Arts Déco, j’ai donc beaucoup travaillé pour réussir le concours et j’ai été pris ! Quand je suis arrivé dans cette école, c’était le paradis pour moi. Je pouvais faire les deux choses que j’adorais le plus : dessiner et être sur l’ordinateur. J’ai appris énormément pendant ces années qui se sont conclues par un projet de fin d’étude sur le Hacking Citoyen. En parallèle de mes études, j’ai commencé à travailler sur des petits projets comme la création de logos et à avoir quelques clients. En 2008, j’ai aussi co-fondé avec Axel Cateland, la start-up Yoocasa, un réseau social à destination de la famille. Ce réseau permet de se voir en visio, de jouer et de dessiner, le tout en famille. Une fois le site lancé, j’ai choisi de me consacrer à mes propres projets ainsi qu’à mon poste de chercheur pour l’ENSAD.

Justement, après tes études, tu as intégré l’ENSAD lab, quelles étaient tes missions au sein de ce labo ?

Ma mission principale a été d’approfondir les méthodologies en design, l’observation et ensuite le projet Neen sur lequel je continue à travailler aujourd’hui en dehors du labo. J’ai commencé à travailler sur ce projet pendant ma deuxième année de recherche. Il consiste à créer des outils de communication non verbaux mais aussi gestuels. J’ai notamment travaillé sur des outils de communication interactifs pour des cercles de gens très restreints, deux personnes par exemple. J’ai par exemple développé un outil tactile qui permet de tapoter son écran pour envoyer un signe sur l’écran de portable d’un ami, où qu’il soit. C’est une sorte de poke adapté au portable et cela permet de préserver un contact plus humain, moins impersonnel car privilégié. Le labo a été une superbe expérience car ça m’a permis de réaliser à quel point le design et l’expérience en design est une chose primordiale. J’ai également pu réaliser des prototypes, faire des études et de recueillir l’avis des gens, tout en cherchant les solutions les plus adaptées à leurs usages.

Le commodore de Geoffrey

Le commodore de Geoffrey

Pour beaucoup, tu es une référence. Ton blog est à la fois suivi par des pros, par des étudiants mais également par des amateurs de graphisme. Comment expliquer cet engouement ?

Il faut savoir qu’à la base un blog (web-log) est un journal intime, et moi ma vie, c’est le web et le design, ça a donc été très naturel pour moi de parler de ces sujets. Je fais de mon mieux pour m’adresser à tout le monde, pas seulement des professionnels ou aux experts car je pars du principe que quelqu’un peut être intéressé par le graphisme, sans pour autant en connaître les codes. J’essaie donc de me faire comprendre de tout le monde et de partager mes découvertes le plus simplement possible. D’autre part, je crois qu’il est important de soigner son contenu, de dénicher des sujets nouveaux, pas ceux dont tout le monde parle et ainsi proposer quelque chose de différent aux lecteurs. J’essaie d’alterner les sujets un peu léger comme des vidéos amusantes sur la typographie avec des articles plus techniques comme le Responsive Design ou le HTML5. L’autre aspect important de mon blog est l’interactivité, d’où son nom Graphisme & Interactivité. L’interactivité n’est pas seulement pour le design, c’est aussi l’interactivité entre mes lecteurs & moi, et même entre mes lecteurs entre eux. J’essaye de prendre beaucoup de temps pour répondre aux emails, aux commentaires et quand je m’aperçois que les gens connaissent mon blog et y vont régulièrement, ça me fait très plaisir. Beaucoup m’envoient leur travaux, des idées d’articles et je trouve ça très convivial car je suis vraiment dans une optique de partage et d’échange !

En dehors de Graphisme.fr, tu es aussi à la tête de jaffiche.fr… Peux-tu nous parler de ce projet ? 

C’est mon deuxième projet  de blog! Je crée des affiches selon l’actualité du moment et mon inspiration. Cela me permet de montrer des créations  plus personnelles et de prendre parti aussi bien artistiquement que politiquement selon les événements. Exposer ? Pourquoi pas dans l’avenir mais pour le moment, le temps me manque. J’ai déjà exposé certaines de mes affiches, le Musée d’Histoire Contemporaine de Paris m’en a d’ailleurs acheté plusieurs pour sa collection, ce qui m’a fait très plaisir. Si quelqu’un veut m’exposer d’ailleurs, je suis à l’écoute !

Tu t’intéresses aussi à la photo, tu as d’ailleurs un Flickr. C’est une discipline importante pour toi ?

J’ai appris la photo argentique pendant cinq ans. J’ai beaucoup expérimenté le noir et blanc, j’ai développé mes photos et ça m’a beaucoup plu. Je n’aurais jamais la prétention de me présenter en tant que photographe car ce n’est pas mon métier mais j’aime le rapport à l’humain qu’il y a dans la photo, surtout dans le portrait. Pour faire de bonnes photos, il faut savoir aimer les gens, avoir de l’empathie pour eux et c’est quelque chose que j’essaie de faire, ça rejoint aussi mon métier de designer. J’aime aussi le fait de capturer des moments et de les fixer dans le temps.

L'atelier de Geoffrey

L'atelier de Geoffrey

Aujourd’hui, le Web est partout. On consulte ses emails dès le lever, on regarde la tv sur le net. En tant que professionnel, comment vois-tu l’avenir du Web ?

Effectivement, le Web est  toujours en pleine expansion. Tout est Web et on assiste à une réelle surconnexion de chaque projet qui sort. Cependant, le Web n’est pas incompatible avec la « vie réelle » comme certain la nomme. J’ai bon espoir que le Web continue de s’intègrer dans les objets, en toute transparence, qu’il devienne invisible même. Je crois vraiment en un retour à l’objet et à la matière. Les composants électroniques peuvent tout à fait s’intégrer au bois ou au textile par exemple. De nombreux designers l’expérimentent. Tout ces objets sont à la fois traditionnels et connectés.

Le web à outrance ne signifie t-il pas la perte du contact humain ?

C’est un sujet sur lequel j’ai justement travaillé au labo ! Je suis toujours bluffé de l’évolution du web dans nos vie, comme il y a plus de trois ans où je pouvais regarder un film sur mon iPhone dans le métro ! Je crois qu’on va assister à la naissance d’une sous-tendance de personnes qui, comme on commence à le voir aux Etats-Unis, ne vont se connecter uniquement que pour lire leur emails et vont rejeter les réseaux sociaux. Sur Facebook par exemple, on a plein “d’amis” mais qui sont les « vrais » amis ? Je pense qu’il faut créer des outils de communication plus sincères dans les rapports aux autres, où l’on pourrait communiquer avec son cercle privé, un cercle que l’on retrouve dans la théorie du Dunbar’s Number. C’est également ce sur quoi j’ai réfléchi pendant ma mission au sein du labo à l’EnsadLab. Les designers ont une responsabilité là-dedans selon moi : faire en sorte de ne pas perdre le contact humain. Google+ a réussi une toute petite partie de ce pari avec le système des cercles par exemple.

Le graphisme aussi connaît une mutation avec l’avènement de la 3D et du motion design, qu’en penses-tu ?

Il est vrai que nous sommes dans une ère de la vidéo et de la 3D mais cela n’annule pas pour autant les techniques traditionnelles. La matière a un côté humain, authentique que le Web ne peut pas atteindre, avec des défauts, des ratés, qui rendent un objet unique. Le papier par exemple, ne disparaîtra jamais. Il a un côté irremplaçable et surtout inimitable. Tu peux feuilleter un livre, le toucher, ce que tu ne pourras jamais faire avec un livre numérique par exemple (pour l’instant). Au contraire, il est de plus en plus recherché, y compris sur le web. La matière papier a une texture unique que beaucoup utilisent comme background pour créer leur site par exemple. L’industrie numérique essaie aussi de s’approprier le papier, il n’y a qu’à voir le dernier Spike Jonze où le motion design se marie au papier.

Avec le développement des CMS comme WordPress ou Drupal, l’accès facilité au développement grâce à des possibilités comme JQuery et des logiciels comme Edge et Dreamweaver, on a le sentiment que tout le monde peut s’improviser webdesigner, non ?

En effet, tout le monde peut acheter un template tout fait et se prétendre webdesigner. Pour un professionnel, le vrai défi n’est plus de construire un site ou un design mais de se focaliser sur la problématique du client afin de créer du sur-mesure, comme un bijou, comme une expérience en ligne. D’où l’importance de créer du contenu, de privilégier une bonne ergonomie et d’optimiser l’expérience utilisateur. Comprendre le projet est primordial : Quelle est l’identité, quel est le concept de la marque ?  Il faut savoir proposer des solutions adaptées à son client, savoir l’orienter et le conseiller. C’est là qu’un site sera remarquable et réussi.

Un lieu de travail et un lieu d'inspiration

Un lieu de travail et un lieu d'inspiration

Beaucoup de jeunes s’orientent dans le design aujourd’hui, as-tu des conseils à donner à ces futurs professionnels ? 

Faire ce qu’on aime, suivre un maximum ses aspirations est primordial. En tant qu’enseignant, je vois souvent des jeunes qui oublient le design dès que la fin des cours a sonné. Ce n’est pas le bon réflexe. Il faut que le design soit un état d’esprit, ne pas avoir peur d’y consacrer tout son temps, de faire de la veille et de s’investir dans des projets. Très important aussi, la curiosité. Il ne faut pas hésiter à s’intéresser à tout : maths, biologie, architecture… Ne pas hésiter à étudier la construction d’un immeuble quand on se promène dans la rue par exemple. En résumé, être curieux et passionné !

Quels sont tes projets à venir ? 

Continuer à développer mes projets actuels, à découvrir de nouvelles choses et monter une structure plus grande également. Pour le moment, je travaille seul mais j’ai vraiment envie de développer une activité qui me permettrait d’embaucher des développeurs ou d’autres designers par exemple. J’ai aussi envie de poursuivre la recherche car c’est quelque chose qui me passionne et ça me permet de partager mes connaissances.

Vous l’aurez compris, Geoffrey Dorne est un professionnel du web et du design qui a de l’avenir et dont on suivra l’actualité avec attention. Ce qui nous a frappé, c’est sa volonté de voir le Web et le graphisme évoluer et surtout, de participer à leur évolution. Geoffrey Dorne est un homme d’avenir mais aussi un designer qui s’attache à faire passer l’humain avant tout. En effet, en dehors de son talent et de sa curiosité, Geoffrey est aussi un humaniste, qui n’hésite pas à partager son savoir à travers ses blogs bien sûr, mais également grâce à des conférences qu’il donne dans toute la France.

Pour suivre Geoffrey Dorne :

http://graphism.fr/

http://jaffiche.fr/
http://www.geoffreydorne.com/
https://plus.google.com/116918580596891691114/posts
https://www.facebook.com/geoffreydorne
https://twitter.com/#!/geoffreydorne
http://www.flickr.com/photos/geoffreydorne
http://dribbble.com/geoffreydorne
Quelques affiches de Geoffrey : 
Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

 

Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

 

Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

 

Geoffrey Dorne pour http://jaffiche.fr/

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A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few