Denis Quélard

Denis Quélard

Quand on veut sortir à Paris, difficile d’éviter le Pop In, lieu incontournable de la scène rock indé et accessoirement l’un des bars les plus chaleureux de la capitale. Le lieu qui fête ses 15 ans cette année a vu plus de groupes défiler que beaucoup de grosses salles parisiennes. Pour certains, le Pop In a été un tremplin, pour d’autres, il est le repaire qui rythme les afterworks et pour tous, il est une véritable institution. Mais si le Pop In est aussi populaire, c’est aussi et surtout grâce à la personnalité d’un de ses patrons : Denis Quélard, que nous avons rencontré.

Denis, on peut dire que tu es une figure incontournable des soirées parisiennes. Comment on devient patron d’un bar aussi populaire que le Pop In ?

Je ne sais pas du tout comment on le devient. Et puis, après 15 ans (puisque nous fêterons nos 15 ans en mai),  il est normal que l’on acquière une certaine popularité. Mais il est vrai que la particularité du Pop In va au-delà de tout ce que l’on pouvait espérer quand nous avons ouvert ce petit bar. C’est vrai, que jamais nous n’aurions imaginé qu’Elton John, les frères Galagher, David Byrne des Talking Heads, Neil Tennant des Pet Shop Boys, Malcolm McLaren ou Lloyd Cole y viendraient. Mais il est vrai qu’au Pop In, on est toujours là depuis le premier jour. On s’occupe de tout, que ce soit de la programmation, de l’accueil des groupes, du service au bar, des commandes, de la compta et même de nettoyer les chiottes. Et comme on est toujours derrière le bar, il y a un esprit, une famille. Les clients -souvent amis- savent qu’ils ne viendront pas dans un lieu où le service est assuré par un barman impersonnel chaque soir. Du coup, on en a vu des choses en 15 ans : des couples se former, se défaire, des mariages (un, a même eu lieu au Pop In), des enfants naître. Je crains juste le moment où les enfants de nos clients viendront y boire un verre : et là, le bon coup de vieux. Mais surtout, c’est la musique pop qui est la ligne continue qui nous a menés et nous excite tant encore aujourd’hui.

Si tu n’avais pas été programmateur, qu’aurais-tu voulu faire ?

J’ai fait bien autre chose avant puisque j’ai travaillé 10 ans dans la finance internationale avant d’ouvrir le Pop In. J’ai toujours été fan de musique, je suis toujours allé à des tas de concerts, et ne voyant pas d’endroit, de bar où écouter de la pop, l’idée est venue avec Florence et Marc d’ouvrir le Pop In. Beaucoup de gens ont souvent cette idée : je plaque tout et j’ouvre un bar. Mais peu de gens vont jusqu’au bout.

 Tu n’as jamais eu envie de passer de l’autre côté de la scène ?

Pas vraiment, puisque je ne joue d’aucun instrument et que je laisse ça à tous ces musiciens merveilleux que nous côtoyons.

Comment est né le Pop In ?

J’en ai déjà un peu parlé avant, le Pop In est né du fait qu’avec Florence et Marc (mes associés) on allait dans les années 90 à énormément de concerts britpop et on croisait toujours les mêmes gens à ces concerts. A la fin de chaque concert, c’était une vraie frustration d’aller boire un coup dans un bar quelconque où il y avait inévitablement de la musique de merde (ou tout au moins qui écorchait nos oreilles encore emplies du concert). On s’est alors dit que si l’on ouvrait un bar pop à Paris, fatalement le public des concerts pop y viendrait. Et ça a marché. Et ensuite, des clients du Pop In ont voulu à leur tour ouvrir des bars, pour notre plus grand plaisir. C’est ainsi que le Truskel, le Syndicat (devenu le Planète Mars), le Motel ont ouvert. Actuellement encore, je suis en train de donner des conseils à un nouveau bar qui va ouvrir dans le 18ème.

Quel est ton meilleur souvenir au Pop In ?

Il y en a beaucoup, et c’est trop dur de choisir. Mais c’est surtout le fait de descendre à la cave et de voir un public heureux à un concert. Je crois que le meilleur des compliments est celui des musiciens qui me disent qu’ils ont fait au Pop In le meilleur concert de leur tournée parce que le public est chaleureux, enthousiaste et proche d’eux, alors que nous sommes qu’une toute petite salle de rien du tout, mais il y règne apparemment une énergie incroyable. Sinon, je suis assez fier de voir que nombre de groupes qui font actuellement des grandes salles, ont fait leur premier concert au Pop In. Du Pop In à l’Olympia, il n’y a parfois que quelques années.

Un Pop In à Londres ou New York, tu en rêves ?

Oui et non. Ce serait merveilleux, mais je crois qu’il serait très dur de garder la même sincérité et le même « esprit de famille » en faisant des sortes de franchises Pop In. A moins de quitter Paris et de s’installer dans une de ces villes. Mais de toute façon, des Pop In, il y en a déjà des tonnes à NY ou à Londres.

Le Pop In

Le Pop In

Quels sont tes derniers coups de cœur musicaux ?

Il y en a beaucoup, mais récemment Lescop et AV sont deux personnes qui ont un truc super excitant que je n’avais pas ressenti depuis longtemps. Sinon, il y a bien sur les Kid Bombardos qui ont fait leur premier concert parisien au Pop In en octobre 2007 et qui sont mes « enfants » qui ne manquent pas de passer chaque fois qu’ils sont à Paris. Il y a aussi les danoises de Giana Factory qui ont joué en juin dernier au Pop In et qui font une belle tournée cette année. Et puis plein d’autres groupes comme Ollie Joe, qui ont fait leur tout premier concert chez nous en janvier 2011 et viennent de faire 4 dates en première partie  de Wu Lyf, Divine Paiste qui a déjà joué en mars dernier et revient dans quelques semaines. Et depuis 15 jours, le nouvel album de mes amis de Yeti Lane tourne en boucle chez moi.

Pourquoi avoir monté le label Pop In Records ?

Le but de Pop In Records est de laisser une trace de tous les musiciens qui sont passés et qui passent encore au Pop In. On s’est dit que l’aventure du Pop In a amené tellement de rencontres musicales que l’on se devait de faire un peu plus que simplement vendre des bières et dispenser du plaisir musical et amical aux gens. Le principe est donc simple : tous les 3 à 4 mois, c’est un vinyle numéroté et tiré simplement à 500 exemplaires qui sort avec une face A qui est une chanson originale, et une face B qui est une reprise. Nous en sommes à quatre pour le moment. Le 5ème sortira pour les 15 ans, le 11 mai. D’autres sont déjà prévus pour les mois à venir.

N’est-ce pas un peu risqué à une époque où le business connaît une grosse crise ?

Ce n’est pas risqué. C’est calculé. En montant Pop In Records, on savait qu’on ne gagnerait pas d’argent. Ce n’était pas notre but. D’ailleurs, on n’est pas encore à l’équilibre avec les ventes de disques, mais ce n’est pas très grave.

Après un label, la suite logique n’est-elle pas l’édition ?

Je ne pense pas. C’est vraiment un autre métier.

A cause de la crise du business, la scène est devenue la principale source de reconnaissance pour les groupes ces dernières années. C’est quelque chose que tu as ressenti ?

Bien sûr. Et le paradoxe est qu’il y a très peu de salles pour se produire à Paris. Comparé aux autres capitales européennes, c’est une catastrophe à Paris. Nous sommes donc submergés de demandes pour jouer. Avec pourtant près de 400 groupes qui se produisent pas an au Pop In, je ne peux pas dire combien de demandes je reçois (c’est entre 15 et 30 par jour). Il y a une grosse pénurie de lieux où jouer. Et les pouvoirs publics font tout pour nous mettre des bâtons dans les roues. Il faut avoir les reins solides et bien s’accrocher, ne pas se décourager.

Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?

Que l’on existe toujours. Qu’il y ait toujours une clientèle jeune, attentive et assidue de musique. Que cette énergie qui nous anime depuis 15 ans et qui est boostée par les groupes et le public soit encore présente pendant longtemps.

 Le Pop In / 105 Rue Amelot  75011 Paris

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Créatrice de Spanky Few