Alter-K

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Alter-K est un label et éditeur indépendant installé à Paris (Legendary Tigerman, Elysian Fields, Black Devil Disco Club, NZCA/Lines, Dean & Britta, Experimental Tropic Blues Band, Guelewar, the Lanskies, Bodies f Water, The Chap, GaBLè, Quadron, The Konki Duet…). Spécialisé en supervision musicale pour des marques (Comptoir des Cotonniers, Chanel, Givenchy, Dior, Hermes, Philips, SFR, Oakley, Lacoste, Vans, Easyjet, Gleeden, Chantelle…) et des productions audiovisuels (la série Mafiosa sur Canal +, Rendez-vous en Terre Inconnue sur France 2, Les Nouveaux Explorateurs et Les Toiles du Monde de Capa, la série Grey’s Anatomy, Poupoupidou de Gérald Hustache-Mathieu avec Jean-Paul Rouve, J’Aime Regarder les Filles de Frédéric Louf, The Good Son de Zaida Bergroth, The Shoe de André Saraiva…).

Nous avons rencontré Olivier Rigout, Directeur Artistique d’Alter-K et talentueux entrepreneur. Pour nous, il désacralise le business de la musique et donne son point de vue sur le futur de la musique en général. A lire et à relire sans modération.

Olivier Rigout

Olivier Rigout

 Olivier, peux-tu nous parler de ton parcours ?

 J’ai 29 ans, j’ai fait une classe préparatoire Lettres et Sciences Sociales, puis Sciences-Po Bordeaux et ça fait exactement 7 ans que je travaille dans la musique: à NYC, puis Bordeaux, puis surtout à Paris. Je suis désormais directeur artistique chez Alter-K, qui est un éditeur indépendant spécialisé dans la musique à l’image avec également une partie label et consulting. Parallèlement à cette activité, je manage Bernard Fèvre, plus connu sous le nom de Black Devil Disco Club, artiste français d’envergure internationale: pionnier de la musique électronique dans les années 70s, il a été remis au goût du jour un quart de siècle plus tard par les Chemical Brothers et Aphex Twin notamment. Je passe aussi des disques lors d’événements privés ou publics et fais un peu de musique à mes heures perdues, mais juste pour le plaisir d’offrir et la joie de recevoir.

Comment arrives-tu à jongler avec tes nombreux projets ?

Ce ne sont pas vraiment des projets différents, tout est lié, donc en plus d’être passionné et combatif il faut surtout être travailleur et organisé. J’ai la chance d’être entouré d’artistes et de collaborateurs doués, mais surtout (de) de travailler avec deux associés dont les rôles sont vraiment complémentaires avec le mien. Chacun a des compétences différentes ce qui nous permet de couvrir tous les champs, de la direction artistique au business affairs en passant par le suivi de projet. C’est important de pouvoir intervenir à tous les niveaux pour apporter des solutions précises et clefs en main à nos interlocuteurs, qu’ils soient artistes, professionnels de la musique, marques ou producteurs audiovisuels.

Tu es à la tête du label Alter-K, comment a débuté cette aventure ?

Directeur artistique ne veut pas dire que j’en suis le directeur et tant mieux à vrai dire. Nous sommes trois associés à égalité et les décisions sont collégiales. Nous nous sommes rencontrés dans un label electro en 2006, puis deux d’entre nous sont partis faire d’autres choses (l’un au special marketing chez un gros label et distributeur indépendant français et l’autre en tant commercial dans une agence de communication et d’événementiel). Nous nous sommes finalement retrouvés en septembre 2009 pour nous consacrer à temps plein au développement d’Alter K et depuis tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Alter-K s’illustre dans le domaine de l’édition et de l’illustration sonore. Ce sont deux disciplines en plein développement selon toi ?

L’édition a toujours été une composante majeure du travail d’accompagnement et de développement d’un artiste ou d’un projet. Pour expliquer simplement aux lecteurs, il y a deux types de droits en musique : le master (à savoir l’enregistrement) et l’édition (à savoir la partition). Petite digression utile et exemple au hasard, Knockin On Heaven’s Door repris par les Guns & Roses sur leur album Use Your Illusion II. Le master appartient au producteur de cette version (ici le label Geffen en l’occurrence), mais les droits d’éditions appartiennent à l’éditeur original de Bob Dylan, auteur compositeur de la chanson (ici Ram’s Horn Music en l’occurrence).  Pendant longtemps les éditeurs sont restés dans l’ombre, se cantonnant à l’accompagnement juridique des artistes. Il y a cependant des éditeurs qui ont produit des choses magnifiques notamment destinées à l’illustration: je pense entre autres à Warner Chappell et ce qu’on appelle la library music des années 70s, qui a été beaucoup samplée par les artistes hip-hop, trip-hop ou electro. Bernard Fèvre a par exemple composé plusieurs disques majeurs de library musicqui ont plus tard été samplés, re-édités et remixés. Un de ses chefs-d’oeuvre du genre était d’ailleurs sorti dans l’emblématique collection l’Illustration Musicale, aux côtés d’Eddie Warner par exemple, l’homme qui a composé le générique des Chiffres et des Lettres. Bernard Fèvre a par la suite continué ce travail pour la régie intégrée à Europe 1 pendant assez longtemps (en faisant des jingles pour Orangina ou Speculos par exemple). Pour caricaturer, l’illustration sonore existe depuis que le cinéma n’est plus muet, que ce soit avec du sound-design (bruitages ou bande originale – tout le monde connait les thèmes de Lalo Schifrin, Ennio Morricone, Vladimir Comsa, John Williams, Bernard Hermann…), ou avec des titres pré-existants (ce qu’on appelle la synchro, c’est-à-dire l’association d’une musique et d’une image – là encore tout le monde connait les B.O de Tarantino par exemple), mais c’est vrai que depuis quelques années on voit fleurir dans les maisons de disque des départements dédiés à la musique à l’image, ainsi que des agences uniquement dédiées à ça.

Alter-K

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Beaucoup de groupes considèrent l’édition comme le nouvel eldorado à une époque où les maisons de disque et les salles paraissent frileuses. Qu’en penses-tu ?

C’est vrai que pendant longtemps, du moins pour la publicité, car c’est moins vrai pour le cinéma, beaucoup d’artistes refusaient d’avoir leur musique associée à un autre projet. Pour les artistes, la synchro (le fait de faire coïncider une musique avec une image) est avant tout une source non négligeable de revenus. L’argument majeur pour eux reste l’aspect financier surtout quand les ventes de disques s’effondrent. Ca apporte aussi parfois aux artistes un peu de visibilité ce qui est important quand les concerts payent peu compte tenu de la saturation du marché du spectacle, des choix de programmation uniformes, et de la place de plus en plus réduite de la musique dans les médias, qui ont par ailleurs tendance à toujours mettre les mêmes artistes ou catalogues en avant. Par exemple chez Alter K certaines chansons de notre catalogue ne sont jamais sorties commercialement, mais sont vraiment très bonnes et une des premières exploitations passe par la synchro. Reste que l’édition n’est pas un eldorado. Il y a un énorme travail de développement et d’acharnement pour qu’un titre soit diffusé ou placé et génère ainsi des revenus. Ni nos artistes ni nous ne sommes des rentiers de l’édition. La valeur, il faut la créer, sinon le « tube », et bien personne ne le connait. :) Ça met du temps de créer une complicité et un vocabulaire commun avec les marques et les producteurs audiovisuels. Il ne suffit pas d’avoir un iTunes rempli de bons titres.

Quels sont les projets actuels d’Alter-K ? Comment vois-tu l’évolution du label ?

Récemment nous avons eu l’honneur de sortir sur notre label les albums de NZCA/Lines (un jeune dandy anglais qui fait de la synth pop un peu entre Hot Chip et Metronomy), un album de remixes exclusifs du dernier Black Devil Disco Club (avec Nancy Sinatra, Afrika Bambaataa, the Horrors, Jon Spencer…) et le troisième disque de Mi and l’Au, complètement produit à l’ordinateur sans MIDI et dédié au compositeur de musiques de films François de Roubaix. On vient également de sortir le quatrième volume de nos compilations Seriously, Eric (avec Isaac Delusion, Nameless, Selebrities, Tigerman feat. Peaches, Daprinski…). Pour les prochains mois, on prépare des EPs de Vandaveer, Sauvage et Electric Lazy Lake, ou encore la sortie des albums de Pree et These United States, deux projets de Washington DC, complètement différents, mais très attachants. La partie label est vraiment importante à nos yeux, car elle permet de faire du vrai développement et d’accompagner des projets qui nous tiennent à coeur et qui ne pourraient pas sortir sans nous. Ça permet également d’avoir une activité médiatique, ce qui n’est pas négligeable dans l’effort que nous faisons d’être « un éditeur nouvelle génération », à savoir sexy, pro-actif et réunissant une palette de compétences très large. Sinon la plus grande partie de mon emploi du temps est consacrée à la synchro / supervision musicale pour des marques et des productions audiovisuelles.

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Alter-K travaille également sur le projet La Blogothèque, quel est votre rôle au sein de cette structure ?

En tant qu’associés, le rôle d’Alter-K dans la Blogothèque est avant tout d’apporter un support business et legal afin de pouvoir exploiter les vidéos produites ou monter des opérations avec des marques (comme avec Black XS ou Youtube),car La Blogotheque n’est pas qu’un média, c’est aussi une société de production de vidéos. Le droit en propriété intellectuelle peut parfois être difficile à appréhender: il faut s’assurer que tous les ayants droits sont bien d’accord et rémunérés, et comme il s’agit souvent de cas particuliers avec beaucoup d’intervenants (artistes, labels, éditeurs, managers, tourneurs, lieux, marques, agences…), l’expertise d’Alter K est primordiale pour mener les projets à bien.

Dans le futur, le live n’existera plus que derrière un écran ?

Je ne pense pas, l’important c’est d’assister à un bon show, que ce soit derrière son écran ou dans une salle de concert. Internet est pour cela un plus, à la fois un déclencheur pour se déplacer dans une salle mais aussi un prolongement de l’expérience. Mais je reste persuadé que les gens se déplaceront toujours pour vivre un moment privilégié avec des personnes qui partagent les mêmes intérêts. C’est comme aller dans un stade de foot ou au resto alors qu’on peut regarder la TV ou manger chez soi.

Comment expliquer cet engouement pour les Concerts à Emporter ?

Au bon endroit au bon moment, c’est-à-dire en avance sur son temps, mais pas trop non plus. Une excellente direction artistique, un très bon réseau, et une connaissance aiguisée des nouvelles technologies dans un contexte de démocratisation des moyens de production et d’essor des réseaux sociaux. Le tout saupoudré de magie (et de travail).

Que penses-tu des structures hybrides qui mêlent art, mode et musique dans le but de contourner la crise de la musique ?

Il n’y a pas de « crise de la musique » mais une crise de la consommation payante de la musique, notamment liée au déclin depuis 10 ans du support phare des 30 dernières années, à savoir le CD. Je pense que certaines structures sont très compétentes, mais il est extrêmement difficile de concilier plusieurs savoir-faire. L’édition c’est par exemple un métier très technique. Beaucoup de labels se prétendent éditeurs parce qu’ils signent les droits d’éditions, mais ça ne fait pas d’eux des éditeurs pour autant. C’est comme se déclarer attaché de presse ou manager. Ça ne se décrète pas.

L’avenir de la musique justement, tu le vois comment ?

Excitant et effrayant à la fois.

Le mot de la fin ?

Je tiens vraiment à remercier tous ceux qui nous font confiance, et surtout les artistes.

 

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few