My Tour ManagerLaure Decailly, c’est quelqu’un qu’on pourrait écouter lire pendant des heures. Cette experte en web et musique dispose en effet de la faculté – au-delà d’être passionnante – d’expliquer les choses clairement et simplement. Son raisonnement est à l’image de sa carrière. Après de brillantes études de communication, Laure se dirige vers le secteur musical où elle déborde d’idées et d’initiatives. L’une d’elles est My Tour Manager, une plateforme ambitieuse qui vise à mettre en rapport les différents acteurs du monde de la musique. Pour nous, elle revient sur son concept, sa vision de la musique et ses projets futurs.

Salut Laure, peux-tu nous parler de ton parcours ?

Hello ! Mon parcours est assez hybride, ce qui m’a permis d’acquérir des expériences diverses, mais toujours liées à mes deux passions : la musique et le web. En 2006, mon Master en Marketing et Stratégie de Communication du CELSA en poche, je suis partie faire un tour en Australie pendant 1 an. A mon retour en 2007, j’ai décroché un job freelance à l’agence Uzik en tant que chef de projet web où j’ai eu l’occasion de bosser pour des marques comme SO Music de la Société Générale, Universal Music ou le Nice Jazz Festival. C’est à peu près à ce moment-là que je me suis découvert un vrai côté « geekette »… J’ai ensuite débarqué à la programmation de Solidays, festival que je connaissais déjà bien pour y avoir été bénévole depuis la fac et administratrice de l’association Solidarité Sida pendant 3 ans. Je continue d’ailleurs toujours à opérer bénévolement au comité artistique du festival. C’est en 2009 que j’ai décidé de créer NOSE Prod, une agence indépendante de management d’artistes destinée au développement de projets émergents. Je me suis occupée notamment du groupe électro rock Puss in Boots pendant 2 ans. En 2010, un peu par le hasard des choses et des rencontres, j’ai commencé à plancher sur le projet MyTourManager.

 Tu es à la tête du projet MyTourManager, quel en est le concept ?

MyTourManager a existé à l’origine comme un blog musical (ce qui est toujours le cas), mais aujourd’hui, nous allons ouvrir la première plateforme indépendante de mise en relation entre artistes et organisateurs d’évènements musicaux. C’est un peu le Meetic de la musique en quelque sorte ! Notre outil innovant a été pensé pour permettre aux artistes de gagner en visibilité et aux organisateurs de gagner en performance grâce à un système de « matching » inédit. Dès le 20 juin, les artistes auront la possibilité de créer leur « CV » en ligne (le « TPK » – Tour Pro Kit) qui leur permettra de fournir aux organisateurs des informations professionnelles et ainsi accroître leur notoriété. Les organisateurs pourront aussi s’inscrire gratuitement afin de trouver les artistes qui correspondent à leurs besoins et enregistrer des opportunités (les « Hot Deals »). A la rentrée, nous ouvrirons notre « place de marché » dans son intégralité. Les artistes pourront ainsi souscrire à un abonnement (avec ou sans engagement) et bénéficier de « Jams » pour postuler aux évènements exclusifs MTM (l’accès à leur profil restera gratuit). Les organisateurs, de leur côté, pourront poster leurs offres librement et gérer les candidatures directement sur leur espace MTM. Je tiens d’ailleurs à préciser que nous nous adressons à tous les artistes (et leur entourage professionnel) sans distinction de style, d’origine ou d’étape de développement ; et à tout type d’organisateur (entreprises, particuliers, associations, marques, médias…).

Qu’est-ce qui t’a donné envie de monter ce projet ?

Quand j’ai démarré en tant que manager, je me suis vite rendue compte de la complexité liée au développement d’un projet artistique. Je rêvais à l’époque d’un outil web qui me permettrait de pouvoir gérer facilement tous les tenants et les aboutissants de mon métier en quelques clics : organisation de concerts, gestion administrative, diffusion, promotion…et comme ça n’existait pas à l’époque, je me suis tout simplement dit que j’allais le mettre en place moi-même ! L’envie de bouger les choses et de gagner en efficacité a donc été ma première motivation. Ensuite, plusieurs constats ont guidé la création du projet : déséquilibre entre l’offre et la demande, manque de temps, de moyens et de réseaux pour ses acteurs, saturation du marché, nouveaux modèles économiques liés à l’arrivée du web…autant de challenges que MyTourManager était prêt à relever. Les rencontres ont été aussi déterminantes dans ce projet : mes associés (le studio web Le Ciel Etait Rose) me donnent l’envie d’aller toujours plus loin, ce qui est un véritable moteur pour le projet.

Le lancement officiel a lieu cette semaine, mais cela fait plusieurs mois qu’on entend parler de MyTourManager. Avais-tu besoin de prendre ton temps pour lancer le projet où as-tu eu envie de faire monter le buzz ?

Un peu des deux ! La marque MyTourManager existe depuis plus de 2 ans maintenant au travers du blog. Ce blog a été notre première vitrine et a contribué à notre notoriété. Nous allons d’ailleurs pousser le bouchon encore plus loin cet été grâce à un partenariat avec le Blog des Francofolies. Mais pour la plateforme itself, c’était une autre paire de bras… Prendre le temps de mettre en place les choses était ainsi nécessaire pour réussir à proposer un outil inédit et performant. Rome ne s’est pas fait en un jour comme on dit… Le projet est passé par plusieurs phases décisives pour arriver à maturité : des phases de doutes, de remises en question, d’évolutions… C’est notre force aujourd’hui même si ce n’est que le début ! Nous avons hâte de nous jeter dans le grand bain, de « tester » le service auprès du plus grand nombre et d’avoir le feedback de nos utilisateurs. Nous avons créé ce projet pour eux.

Comment se positionne MyTourManager vis-à-vis des tourneurs ?

MyTourManager ne se substitue pas à un tourneur, mais se positionne comme un intermédiaire alternatif. Nous permettrons aux artistes qui n’ont pas encore de tourneur de trouver facilement des opportunités grâce à la plateforme et de gérer eux-mêmes leurs dates en temps réel. C’est un gain de temps énorme au final. Temps qu’ils pourront d’autant plus consacrer à leur métier…c’est-à-dire faire de la musique ! En outre, beaucoup de tourneurs font du développement d’artistes. MyTourManager leur permettra aussi de trouver des opportunités pour leurs différents projets. Je précise que nous n’intervenons pas dans toute la partie négociation des cachets et contrats que nous laissons librement à la charge des deux parties. Et que nous ne prenons aucune commission ! C’est notre engagement.

Aimerais-tu également développer une partie label ou édition ?

Pas pour le moment et ce n’est pas tout à fait notre métier… Mais on ne se ferme aucune porte ! En revanche, nous proposerons dans un futur proche de nouveaux outils de gestion et de diffusion.

Penses-tu déjà à un développement sur l’Europe ou l’International ?

MyTourManager a complètement été crée dans un environnement global. Permettre à des artistes étrangers d’accéder à des opportunités d’évènements en France, et permettre aux artistes français de se produire à l’étranger, c’est clairement notre cheval de bataille. Notre modèle s’adapte à tous les territoires et toutes les musiques, car nous avons la conviction que la musique, encore plus à l’ère du « world wide web », est universelle. Notre marque et notre baseline (« Keep Music Alive ») sont nos premiers pas vers l’internationalisation, mais nous prévoyons prochainement de lancer des versions anglaises et espagnoles du site pour une plus grande démocratisation en Europe et dans le monde.

A une époque où le disque est en crise, penses-tu que MyTourManager est une alternative voire une solution ?

Nous avons effectivement pensé MyTourManager comme une alternative au modèle traditionnel dominant, dans la lignée des plateformes proposant des services D.I.Y (Do-It-Yourself). Pour nous, la crise du disque n’est définitivement pas la crise la musique. Depuis l’arrivée du web 2.0, les enjeux ont simplement évolué : l’accès à la musique est désormais au cœur du système. On le voit d’ailleurs avec l’engouement autour des sites de streaming qui représentent aujourd’hui un quart du marché, mais génère, à cause de son modèle économique bancal, les foudres de nombreux acteurs. Le support physique s’est dématérialisé, déprécié et il a fallu trouver de nouvelles sources de revenus. Les indépendants (mais pas qu’eux !), se sont donc logiquement (re)tournés vers le live et le branding musical, 2 axes à forte valeur ajoutée en terme d’expérience pour le public. MyTourManager s’inscrit au final dans cette tendance et participera, nous l’espérons, à l’émergence de nouvelles solutions pour tous les acteurs des scènes indépendantes.

Tu travailles également pour frenchweb.fr et tu fais partie des jurys du Printemps de Bourges et des Eurockéennes de Belfort. Pas trop dur de tout gérer ?

Il n’y pas de secret…tout est une question d’organisation ! Et c’est vrai que, sans rentrer dans les clichés, je fais partie de cette génération « slash », qui jongle au quotidien avec plusieurs activités en même temps. Ces activités de chroniqueuse digital music pour frenchweb.fr et de jury sur différents évènements (notamment pour SFR Jeunes Talents et sur l’opération Repérages des Eurockéennes), me prennent du temps, mais m’en font gagner tout autant en terme d’expérience, de réseau, et de notoriété pour MyTourManager…tout est lié ! C’est parfois épuisant, certes, mais toujours excitant. L’adrénaline a toujours été mon moteur pour avancer.

Tu as été manager d’artistes pendant quelque temps. C’est une activité que tu te vois reprendre dans le futur ?

Pas forcément… Manager des artistes en développement est à mon sens un des métiers les plus difficiles du secteur musical, car il nécessite un engagement incroyable en terme d’énergie, de temps et de moyens. Ce que je retire aujourd’hui de ma propre expérience est très positif et m’a permis de comprendre au plus près les systèmes et enjeux du secteur des indépendants, ce qui a été formateur. Mais je préfère aujourd’hui me consacrer à mes nouvelles activités.

Quels sont tes derniers coups de cœur musicaux ?

J’écoute (presque) de tout, tout le temps, et en grande quantité… C’est assez intense et flippant à vrai dire ! Lors de mes missions de jury pour SFR Jeunes Talents, par exemple, il m’est arrivé d’écouter plus de 200 artistes par jour… Mais en temps normal et pour te donner une idée de ce qui tourne en boucle sur mes platines je dirais : Electric Guest, Miike Snow, Citizens !, Crocodiles, Monogrenade, Singtank, 1995, Django Django, M83, The Rapture… Et côté nouvelles têtes : Phyltre, The Aerial, Colours in The Street, Maxence, Velocity Bird, Hill Valley, The Sophia Lorenians, The Lemon Queen, Art District, Dissonant Nation, AV, Zuzoom, Meltones, The Ruby Cube, Hyphen Hyphen, Birdy Hunt, Blackfeet Revolution, Julia Cinna, Mrs Good, Juveniles… La liste est longue et non exhaustive !

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Une longue vie à MyTourManager ! Merci à toi Déborah !

Laure Decailly

Laure Decailly

 

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few