Vous le savez, chez Spanky Few, nous ne faisons pas de chroniques de disque, de concert et nous parlons rarement de musiciens. Cependant, quand on rencontre une personne aussi intéressante que Joseph d’Anvers, qui manie si bien les mots qu’il en fait des chansons, des romans et peut-être un jour des scénarios, on ne peut pas s’empêcher d’en parler. Et ça tombe bien, car très prochainement, il sortira son nouvel album, son dernier clip et ce n’est que le début des surprises qu’il nous réserve.

On a rencontré Joseph d’Anvers dans un bar près de Gambetta où – à grand renfort de bières – on a essayé de connaitre son véritable nom… mais il n’a pas lâché le morceau. Par contre, c’est avec sagesse et gentillesse qu’il a nous parlé de son amour de l’écriture et de ses différents projets.

Joseph d'Anvers par Elisa Allenbach

Joseph d’Anvers par Elisa Allenbach

Tu as fait des études d’art appliqué puis un passage à la Fémis. Pourquoi ne pas avoir poursuivi dans cette voie et t’être dirigé vers la musique ?

En effet, j’ai fait huit années d’études spécialisées dans l’image, mais j’ai toujours fait de la musique de manière underground avec des groupes, surtout pour le plaisir. Lorsque j’ai créé le projet solo Joseph d’Anvers, un choix s’est vite imposé. En 2004, on m’a proposé le tournage du Petit Lieutenant qui devait durer trois mois et en parallèle, je venais de remporter la bourse du Fair qui nécessitait de me consacrer à la musique de manière beaucoup plus intensive. Le cinéma suscitait en moi de moins en moins d’enthousiasme, j’avais au contraire envie d’explorer un nouveau domaine. Alors un soir, à grand renfort d’alcool, j’ai décidé de me lancer plus sérieusement dans la musique.

Pourquoi ce choix ? Était-ce incompatible de concilier les deux ?

À l’époque, faire du cinéma et de la musique n’était pas incompatible pour moi, c’était comme avoir deux jambes et on avance beaucoup mieux avec deux jambes ! Lorsque je travaillais trois mois sur un tournage, j’étais content de partir ensuite trois mois en tournée. Et vice-versa. Puis les maisons de disques ont commencé à me faire des propositions et le manque de temps m’a obligé à choisir. Mais – parce qu’il y a un mais – je ne dis pas qu’un jour je ne retravaillerai pas pour le cinéma et c’est aussi pour ça que je ne veux pas donner mon vrai nom, pour pouvoir l’utiliser si l’opportunité se présente.

Finalement, la musique a toujours été une passion pour toi ?

J’ai commencé à faire de la musique à seize ans en autodidacte, en écoutant Nirvana, les Pixies… C’était une période incroyable, propice à avoir envie de faire de la musique, pas forcément pour vendre des disques, mais pour le plaisir. J’ai commencé en écrivant une chanson pour une fille qui me plaisait et que j’étais bien trop timide pour aborder. Un pote m’a appris quatre accords de guitare et je me suis lancé ! Et comme elle a été séduite, j’ai pensé qu’il y avait peut-être un filon à creuser…

Tu as aussi écrit un roman – La nuit ne viendra jamais – pour les éditions La Tengo. Était-ce une suite logique après l’écriture de chansons ?

L’écriture de roman est devenue la suite logique de l’écriture de chanson parce qu’on m’a demandé d’écrire sur le milieu de la musique. Ça m’a fait plaisir de raconter l’envers du décor, ce que je pouvais vivre au quotidien.

Depuis que je suis gamin, j’écris des histoires, des nouvelles, que je n’ai jamais montrées à personne et que je cachais au fond d’un tiroir avec l’espoir qu’un jour un éditeur viendrait ouvrir ce tiroir.

Bien plus tard, les éditions La Tengo m’ont contacté car ils cherchaient des auteurs pour travailler sur la collection de polars-rock Mona Cabriole. Ils m’ont proposé de participer à ce projet, mais je ne savais pas si j’étais capable d’écrire un roman, d’autant plus que je ne lis presque jamais de polars.  Mais l’aventure me tentait donc j’ai fini par accepter, surtout que d’autres musiciens avaient donné leur accord pour écrire eux aussi un volet de l’histoire de Mona Cabriole. Finalement, je suis le seul à avoir écrit un roman et j’en suis assez fier ! Même si je dois avouer que celui-ci se rapproche plus d’une histoire d’amour et de musique que d’un polar à proprement parler.

Le roman est sorti en 2010 et depuis, j’ai reçu pas mal de propositions de maisons d’édition. Mais je n’ai pas envie d’écrire pour écrire. J’ai besoin d’un projet, d’une vraie idée, d’une motivation qui m’aide à aller jusqu’au bout de mon histoire. Parce que le défi, c’est de trouver l’idée qui nous motivera à aller jusqu’au bout du roman.

Écrire un roman et écrire une chanson, c’est très différent ?

Écrire une chanson, c’est un sprint tandis qu’écrire un roman, c’est un marathon qu’il est parfois difficile de finir ! Mais l’avantage, c’est que dans un roman, on peut développer une idée en deux cents pages. Avec une chanson, l’idée doit être concise et tenir en trois couplets. En ce sens, le roman est un peu le prolongement des chansons.

Joseph d'Anvers par Maxime Stange

Joseph d’Anvers par Maxime Stange

Il paraît que tu as été boxeur. Cette discipline t’a-t-elle aidé à appréhender la musique et/ou l’écriture ?

Oui bien sûr ! Ce qui est assez similaire, c’est l’arrivée sur un ring et l’arrivée sur scène. Dans les deux cas, tu ne peux pas reculer. Tu t’es entrainé ou tu as répété pour ça, parfois tu n’as pas envie d’y aller, mais à la fois, tu en as très envie.

Il y a aussi un rapport dans le domaine du direct, de l’immédiat. Tu dois rester concentré, dans le présent. En dehors de cela, il y a peu de rapport. Quand tu rentres sur un ring, c’est pour te faire mal, c’est primaire même si la boxe est un art noble tout comme la musique.

Musique et boxe ne seraient donc pas incompatibles ?

Absolument pas ! Lors de mon premier album, j’ai écrit des chansons très douces, très intimistes, et les gens ne comprenaient pas qu’en tant que boxeur, je ne fasse pas de musique plus rock, plus agressive. Mais pourquoi compartimenter les gens ? Par exemple, j’aime beaucoup les auteurs comme Hemingway et Kerouac, qui ont écrit des choses très émouvantes, notamment sur la boxe qu’ils ont aussi pratiquée… On peut faire des chansons sensibles, mais ne pas avoir la dégaine d’un poète.

Est-ce important pour toi de multiplier les activités créatrices comme la musique, l’écriture de romans ? Et que réponds-tu à ceux qui voudraient justement te mettre dans une case ?

Mettre dans des cases, c’est très franco-français. On n’aime pas trop les gens qui multiplient les activités. Je pense que tu peux multiplier les activités tant que tu es légitime et que tu le fais pour de bonnes raisons, par réelle envie et non pour l’argent par exemple.

En ce qui me concerne, je fais de mon mieux. Pour le roman par exemple, je n’attendais pas forcément de reconnaissance, j’avais juste envie de le faire parce que le projet me plaisait.

Malheureusement, certains multiplient les activités pour la notoriété et c’est dommage. À l’inverse, il y en a pour qui ça fonctionne parce qu’ils le font par conviction comme Vincent Gallo qui est acteur, réalise des films et a sorti il y a plus de dix ans un album d’électro lo-fi que j’adore.

Pour moi, l’important n’est pas forcément la reconnaissance, de vendre des millions d’albums ou de faire quinze millions au box-office. L’important est de pouvoir se retourner sur son parcours et d’être fier de ce qu’on a accompli. Je n’ai pas vendu des millions d’albums, mais j’ai travaillé avec des gens comme les Beastie Boys, Bashung, Day One, Darrell Thorp (Beck, Radiohead, Mc Cartney…), Françoise Hardy… et c’est de ça dont je suis fier. Même d’avoir écrit un album entier pour Dick Rivers qui pour moi est l’une des plus belles voix françaises !

Enfin, quels sont tes projets pour les mois à venir ?

Il y a d’abord l’album qui va sortir dans les prochains jours. J’ai aussi monté un projet qui s’appelle Dead Boys, un mélange entre lecture musicale et bricolage sonore.

On vient aussi de me passer commande pour un ciné-concert à destination des enfants. Je joue de la musique en temps réel sur quatre courts métrages des pays de l’Est.

J’ai aussi commencé à écrire une nouvelle pour une commande, à la base destinée à des ados d’une quinzaine d’années, mais c’était un petit peu trash pour la maison d’édition. Je vais voir comment l’exploiter, peut-être en la développant pour en faire un roman ou un roman graphique.

Et en parallèle, Dimitri Kennes m’a proposé d’adapter mes chansons en BD.  On partirait sur un beau livre qui mêlerait bande dessinée, nouvelle et musique, illustré par une dessinatrice espagnole super talentueuse Sasa Pelle, la fille de Ruben Pellejero.

Merci Joseph !

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few