Chez Spanky Few, nous parlons très peu de créateurs de mode. Cependant, nous avons été séduits par Wanted Gina, un joli projet créé par Clarisse Mizrahi où la mode rencontre l’architecture et bien d’autres éléments qui inspirent cette créatrice et font de Wanted Gina une marque bientôt incontournable. 

Crédits : Laura Bonnefous

Crédits : Laura Bonnefous

Bonjour Clarisse, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

J’ai eu ma première machine à coudre à 10 ans et j’ai commencé à monter mes premières pièces avec ma grand-mère. À 16 ans, je cousais souvent mes vêtements et l’été de mes 17 ans, j’ai fait un stage d’un mois à ESMOD en stylisme et modélisme. Je me passionnais aussi pour l’histoire de l’art, peignais à l’huile depuis mes 7 ans et dessinais régulièrement. Pourtant, même si la voie à suivre me semblait toute tracée, je ne me suis pas lancée à ce moment-là. J’ai choisi un tout autre domaine : le droit et l’histoire de l’art.

Mes études terminées, j’ai travaillé dans une compagnie de théâtre internationale : Les Grandes Personnes, comme administratrice de production. J’appréciais l’authenticité et l’effervescence créative de ce milieu, la folie des gens, l’énergie qu’il fallait pour rendre la création d’un spectacle possible.

Mais à 28 ans, j’ai décidé de renouer avec ce que j’aimais le plus, je me suis enfermée pendant un an à coudre, dessiner et faire des patrons. En septembre 2013, j’ai créé ma marque de prêt-à-porter pour femmes : Wanted Gina. Un parcours pas tout à fait linéaire donc, mais aujourd’hui à 30 ans, je fais ce que j’ai toujours souhaité et je n’ai qu’une envie : continuer !

Vous avez créé la marque Wanted Gina. Pouvez-vous nous en dire plus ?

À l’origine,  le nom « Wanted Gina » est un petit clin d’œil à mon ancienne vie, en référence à une pièce intitulée Wanted Petula. On me demande souvent : « Mais qui est Gina ? » J’aime bien jouer avec le côté un peu énigmatique de ce prénom. Comme au théâtre, les comédiens ont besoin d’imaginer l’histoire et le passé d’un personnage pour jouer un rôle, je me suis inventée une Gina et pour chaque nouvelle collection, j’essaie d’imaginer son histoire et ses goûts du moment.

Comment définirez-vous la femme Wanted Gina ?

La femme Wanted Gina a clairement quelques petits troubles du comportement vestimentaire ! Comme la créatrice d’ailleurs ! Elle peut se réveiller un matin en voulant porter une chemise jaune à motif cheval en plein hiver, passer la journée du lendemain en robe plus sobre et graphique et finir la soirée en teddy paillette dans un style rock. C’est une femme qui se sent libre de s’exprimer et de jouer avec ses fringues. Une fille qui se moque de la tendance à tout prix en montrant ce qu’elle est, pas en essayant de coller à une certaine image.

Nous avons eu la chance de découvrir votre lookbook printemps-été 2015 où l’architecture est très présente. Fait-elle partie de votre inspiration au quotidien ? Quels sont les autres facteurs qui vous inspirent ?

Avec un père architecte, difficile de le nier ! On peut aborder le stylisme et le modélisme de plein de manières. Ce que je recherche dans la création de vêtements, c’est avant tout la dimension artistique : la composition couleurs / motifs / matières, l’architecture des coupes, l’image globale de la collection. Alors je suis ouverte à toutes sources d’inspiration !

Pour la collection printemps / été 2015, le point de départ a été l’exposition Bill Viola présentée cet été au Grand Palais et  ses vidéos d’immersion aquatique. Avec la photographe Laura Bonnefous, nous avons ensuite choisi de mettre en avant les liens de la collection avec l’architecture. Dans le lookbook, les clichés des vêtements sont confrontés à des images de bâtiments. L’écho des couleurs, des plissés, des formes est évident et fait ressortir la cohérence de l’ensemble.

Pour la collection suivante, j’ai recherché des photos punks, des clichés d’émeutes, de visages qui se tordent de Stanley Greene, Nan Goldin ou Christophe Agou par exemple. J’ai écouté les Kills en boucle et regardé des images des films de Xavier Dolan pour partir dans une esthétique plus rock et contrastée.

Comment aimeriez-vous qu’on décrive Wanted Gina ?

Premièrement comme une marque de qualité. Je fais très attention aux matières que je choisis, à leurs compositions, aux doublures et à leurs apparences : les gens sont souvent surpris par les jeux de textures et les détails de motifs.

Ensuite, comme une marque inventive où le vêtement n’est pas un basique et n’est pas présenté de manière brute et aseptisée. J’aime que les collections soient mises en scène, que les images donnent des informations sur les sources d’inspiration et sur des manières possibles de porter les vêtements. J’attends avec impatience de pouvoir créer mes propres motifs en duo avec un designer textile pour donner une image encore plus cohérente à la marque.

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Vous avez choisi le Made in France comme créneau. En quoi ce positionnement est-il important pour vous ?

Je n’ai pas choisi le made in France comme créneau, je n’ai jamais non plus envisagé de faire faire à l’autre bout du monde, mais les choses se sont faites d’elles-mêmes de cette manière-là et maintenant j’y tiens en effet !

C’est important pour moi, car j’ai pu nouer des relations de confiance avec mes différents interlocuteurs : j’ai un contact direct, régulier, quasi amical avec chacun d’entre eux. Ensuite, parce que je peux suivre au jour le jour leur travail, contrôler la qualité de la production et donc, proposer un produit dont je connais chaque finition. Le tout sans délai interminable.

Qui sont vos partenaires français et comment les choisissez-vous ?

Mes partenaires français sont toute l’équipe de production à savoir : le coupeur, le plisseur, les façonniers et bientôt l’imprimeur textile. Je les choisis en fonction de leur savoir-faire et leur professionnalisme. J’ai mis du temps avant de trouver les bons interlocuteurs, mais à force de persévérer et avec un peu de chance, j’ai rencontré les bonnes personnes.

De plus en plus de marques utilisent le Made in France comme argument de vente. Beaucoup pensent à un effet de mode, que leur répondez-vous ?

Je pense que le client attend en premier lieu un produit de qualité qu’il soit fait en France ou non. Leurs premières questions concernent souvent la qualité du tissu, la résistance au lavage, la technique d’impression. Ensuite, une partie d’entre eux plus réduite s’intéresse aux conditions de production, à la provenance, mais, « made in France » ne veut pas non plus dire économiquement responsable ! Je dirais donc  qu’au-delà du label, l’important est la qualité du produit et notre éthique personnelle.

Économiquement parlant, comment une marque 100% française peut-elle se développer et perdurer ?

Clairement, ce n’est pas facile, mais avec Internet et le développement de la vente en ligne, ça me semble envisageable. L’enjeu sur le web est surtout de nouer une relation de confiance avec sa clientèle et donc de proposer un produit de qualité constante. En ce moment, j’accueille aussi régulièrement des essayages privés dans mon atelier, c’est une autre manière de consommer, ça me permet d’avoir vraiment un contact privilégié avec mes clientes, c’est agréable pour elle et pour moi.

Enfin, quels sont vos projets de développement pour Wanted Gina ?

Concrètement, des perspectives sérieuses se dessinent pour que Wanted Gina commence à s’exporter à l’étranger dès l’été prochain. Il me tient à cœur aussi de développer une ligne pour hommes, mais cela prendra encore un peu de temps.

 Et si je me permets de rêver un peu  plus, j’aimerai associer des artistes à mon travail. À tous  niveaux, des graphistes ou artistes visuels pour la création de motifs, plasticiens pour la construction de décors photos et renforcer les liens entre la photo de mode et la création des collections.

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few