Le mal-logement est un problème de plus en plus fréquent en France, en particulier dans les grandes villes. Pour sensibiliser les publics à ce problème, E2, parrainé par le collectif LEMOUVEMENT ont créé Arbres à louer, un projet mêlant démarche sociale et street art.

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En 2015, on estime que 3,5 millions de personnes sont mal logées en France. 700 000 sont privées de logement personnel et 2,8 millions vivent dans des conditions de logement très difficiles (privation de confort et surpeuplement accentué). C’est à partir de ce constat qu’est né le projet de street art participatif Arbres à louer.

Le principe est simple, mais il fallait y penser : l’équipe en charge du projet appose de minuscules fenêtres en papier sur les troncs d’arbres de tout en quartier. Des personnages apparaissent à certaines fenêtres, symbolisant la pénurie de logements en France. Ces immeubles imaginaires perdureront six mois en moyenne. Le temps que le papier et la colle utilisés s’autodétruisent. La transformation des arbres s’accompagne d’affichage de fausses annonces immobilières, renvoyant à la page Facebook du projet.

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Pour comprendre la démarche d’Arbres à Louer, nous avons rencontré E2, l’un des initiateurs du projet.

Le mal-logement est-il une problématique oubliée en ce moment ?

Non, la plupart des Français ne l’oublient pas, car ils y sont confrontés au quotidien ! Certains responsables politiques sont conscients du problème, mais son ampleur mériterait une mobilisation plus énergique, avec la concertation de tous ceux qui travaillent sur la question depuis longtemps, en commençant par les associations et les architectes. Il faut intégrer la résolution du mal-logement dans une vision globale de la ville de demain. La plus grande difficulté est d’apporter une réponse cohérente qui “n’oublie” aucune partie du problème. Cette réponse ne pourra émerger qu’avec une réforme profonde des systèmes existants, laissant plus de place aux initiatives locales et à la participation démocratique. À quand une ville qui autorise plus qu’elle n’interdit ? Dont l’espace public accueille aussi bien les sans-abri que les voyageurs fauchés et les gens du voyage ?

En quoi le street art est-il une bonne réponse au mal-logement ? Est-ce une bonne manière d’inciter à la participation du plus grand nombre ?

Le street art est un très bon exemple “d’écologie mentale”, il nous fait prendre conscience que nous aussi pouvons agir sur la ville : n’importe qui peut s’exprimer avec le street art et intégrer son imaginaire à l’espace urbain. La dimension participative du projet “Arbres à louer” nous a été suggérée par notre partenaire, le collectif LeMouvement*, qui organise avec succès des collages de photos représentant les habitants d’un quartier, tout en les impliquant dans le processus créatif. De la même façon, nous allons proposer aux volontaires de nous envoyer leurs photos pour les intégrer aux fenêtres de nos arbres-immeubles, et les convier aux interventions.

Comment vois-tu le projet Arbres à Louer évoluer dans les prochains mois ?

On rêve secrètement de coller nos petites fenêtres sur tous les platanes de France lors d’un gigantesque flashmob… Mais si on recouvre les arbres d’une rue entière, ce sera déjà très bien ! Pour mettre en place des interventions à plus grande échelle et alerter l’opinion publique, nous avons besoin d’alliés politiques. Nous souhaitons travailler en accord avec les mairies et les associations défendant le droit au logement. La prochaine étape sera donc de leur présenter le projet “Arbres à louer” comme un outil de sensibilisation concret, participatif et positif.

Au-delà de la sensibilisation, quelles sont selon toi les réponses à apporter à ce problème ?

Il faut commencer par repenser de A à Z le système de financement des logements sociaux, qui ne se concentre pas assez sur le “très social”, l’hébergement d’urgence et les foyers d’accueil. L’application du droit au logement et la réquisition par l’État de logements vides sont aussi des pistes à explorer. Et à l’ère de l’économie collaborative, des propositions innovantes se développent, pourquoi les ignorer ? En parallèle, il faut intégrer la dimension écologique au sens large, en privilégiant la transformation de la ville existante et une réflexion globale menée par des architectes et des ingénieurs, garants de l’intérêt général. Au final, il existe de nombreuses personnes compétentes en France, très motivées par la perspective de travailler ensemble sur le logement et la ville de demain. Maintenant, tout est une question de volonté politique.

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A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few