Que lisent les enfants ? Préfèrent-ils le livre ou la tablette ? Quels genres aiment-ils ? Depuis 30 ans, la ville de Montreuil présente chaque année à travers des conférences, expositions et ateliers, les nouveautés et tendances jeunesse en matière de littérature. Il y a trente ans, 50 éditeurs prenaient part au Salon du livre et de la presse jeunesse Seine-Sant-Denis, ils sont désormais 450. 2000 nouveautés étaient publiées, il y en a trois fois plus à ce jour. Et ce secteur, alors cinquième de l’édition, prend la place de second aujourd’hui.

Crédits : © Éric Garault pour le Salon 2013

Crédits : © Éric Garault pour le Salon 2013

En trente ans, le Salon a beaucoup changé. Il a bien grandi, avec les auteurs, les illustrateurs, les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires, les enseignants, les animateurs, les travailleurs sociaux… les enfants et leurs parents qui en font le succès et la richesse, avec le soutien de ses partenaires historiques et de tous ceux qui les ont rejoints. Et aujourd’hui, comme il y a trente ans, il continue de pousser en cultivant les bonnes graines semées à sa naissance sur les terres de Seine-Saint-Denis.

Rencontre avec Sylvie Vassallo, directrice de Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis.

Sylvie Vassalo

Bonjour Sylvie, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Je suis née dans le sud de la France. Pour commencer, j’ai fait des études supérieures en Fac d’économie. Ce qui m’a amenée à m’investir dans un mouvement de jeunes étudiants. De là je suis devenue secrétaire générale du mouvement des jeunes communistes. Et en quittant ce mouvement, j’ai passé le concours de bibliothécaires. J’ai découvert l’association qui fait le Salon du livre de jeunesse lors d’un stage pour valider ce concours. Et je n’en suis pas partie.

Pouvez-vous nous présenter le salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil ?

C’est à la fois le plus grand salon de l’édition de jeunesse en France avec ses 450 petits et grands éditeurs présents, un festival littéraire de très grande qualité avec les 150 auteurs qui participent au programme, un temps d’éducation artistique pour les 32000 enfants qui dans le cadre scolaire viennent y rencontrer des auteurs, un musée de l’illustration avec l’exposition que nous créons chaque année… Bref une grande, très grande, fête du livre.

Le salon s’apprête à fêter ses 30 ans. En quoi cette édition va-t-elle se différencier ?

En plus des 9 salles habituelles de rencontres, nous avons créé une grande scène littéraire où 30 événements se succèderont ; concerts de dessins, battle de critiques littéraires, lectures, contes, duo ou trio d’auteurs… Et puis l’exposition créée pour nos trente ans réunit 9 illustrateurs parmi les plus éminents du livre pour enfant : Quentin Blake (Roald Dahl), Elzbieta, Kveta Pacovska…

30 ans après la première édition du salon, quel est votre bilan ?

Le Salon a beaucoup grandi. De quelques éditeurs présents à ses débuts, ils sont des centaines aujourd’hui. Le public est toujours plus nombreux. En grandissant, le Salon n’a pas perdu son enthousiasme des débuts et il reste toujours très attaché à ce que le public de la Seine-Saint-Denis, département dans lequel il a lieu, puisse profiter pleinement de cet événement culturel de premier plan.  Ceci me semble être un enjeu tout à fait déterminant pour des enfants et aux familles qui n’ont pas toujours facilement accès aux livres et à la lecture.

Avec l’avènement du web, pensez-vous que les jeunes lisent moins ou au moins qu’ils lisent différemment ?

Je crois surtout qu’ils lisent différemment. Aujourd’hui la lecture est partout sur les écrans, dans les livres, dans les magazines… De notre côté nous essayons de développer des complémentarités entre le papier et les écrans, d’inciter à ce qu’une vraie littérature existe dans le domaine numérique.

Les jeunes sont-ils toujours aussi attachés au papier ou sont-ils passés au numérique ?

Finalement l’un n’exclut pas l’autre. Les œuvres littéraires et la lecture sont relativement différentes entre ces deux supports, surtout quand l’image entre en jeu. Le numérique permet une interactivité bien plus libre que le papier, les modes de lectures divergent… Pour le moment, il me semble que les lectures s’ajoutent plutôt, donc les attachements complètent.

Vous parlez de la littérature jeunesse comme dixième art, pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est une évidence, aujourd’hui la littérature de jeunesse a conquis son public. Un vaste public. Et pourtant, d’attaques parfois violentes sur son contenu, en malentendus ou confusion sur son rôle, que certains considèrent pédagogique ou moralisateur, en passant par une très faible présence de chroniques dans la presse, de nombreux faits viennent dire clairement que cette littérature n’est pas reconnue comme un art à part entière. Serait-ce parce qu’elle s’adresse à un public de jeunes lecteurs ? D’où cette interpellation volontairement provocatrice pour fêter nos 30 ans : la littérature de jeunesse 10e art ?! C’est une façon pour nous de montrer combien les grands auteurs de littérature de jeunesse contemporaine prennent au sérieux la responsabilité qui est la leur : créer pour les enfants et les jeunes. Enchanter leur univers.

Selon vous, comment faire perdurer l’attachement des jeunes pour la lecture ?

Peut-être en restant très ouverts à toutes les formes de récits et de lectures auxquelles ils peuvent être sensibles. En ne jugeant pas leurs goûts ? En leur proposant des lectures que l’on a aimées. Bref en étant dans le dialogue plutôt que dans la prescription…

Enfin, quels sont vos projets de développement pour le salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil ?

Pour la prochaine période, nous avons deux projets importants.

D’une part, nous allons nous attacher à agir au niveau européen pour développer les aptitudes des professionnels du livre à agir ensemble à cette échelle et à intégrer la dimension numérique de la littérature de jeunesse. Notre projet s’appelle Transbook, il a été retenu dans le cadre du programme Europe créative. Il va durer 4 ans.

D’autre part nous allons déployer une initiative initiée l’an dernier en direction des familles qui sont très peu en contact avec la lecture. Ce projet s’appelle Des livres à soi, des livres pour soi. Il consiste à faire découvrir aux parents des livres avec lesquelles ils se sentent à l’aise pour faire la lecture à leurs enfants. Notre idée est de permettre à ces parents, pour qui la lecture peut être un véritable challenge, de se sentir à l’aise pour installer des habitudes, du plaisir avec leurs enfants autour des livres.

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few