Ringardes, élitistes… Des adjectifs que certains utilisent pour qualifier les ventes aux enchères de design et d’art contemporain. Ceux-là peuvent oublier leurs préjugés et courir chez FauveParis, où Lucile-Éléonore Riveron et Cédric Melado font vivre la vente aux enchères autrement, de manière beaucoup plus libre, conviviale et interactive. Rencontre avec deux hédonistes passionnés d’art.

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Crédits : Charlotte Moulard

Bonjour Lucie-Eléonore, Cédric, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Cédric : Nous venons tous les deux de grandes maisons de ventes aux enchères parisiennes. J’ai été commissaire-priseur chez Tajan (4e maison de ventes aux enchères en France) pendant 4 ans et Lucie-Éléonore a été pendant presque 4 ans également directrice éditoriale chez Piasa (5e maison de ventes en France). Nous avons tous les deux fait le choix de quitter nos postes respectifs pour créer FauveParis.

D’où vous vient cet amour pour l’art et le design et pourquoi avoir choisi de faire carrière dans la vente aux enchères ?

L-E : J’ai grandi auprès de parents amateurs d’antiquités et de brocante, et mon père décorateur m’apprenait à reconnaître les styles et les époques quand j’étais toute petite. Pendant mes études à Sciences Po j’ai travaillé en galerie et été assistante d’artistes. Après mon diplôme et quelques années aux Arts décoratifs de Paris (Ensad) j’ai eu la chance d’intégrer Piasa et me suis immédiatement sentie à l’aise dans ce milieu, qui mariait ma passion pour l’art et mon côté plus rationnel.

Cédric : C’est pendant mes études de droit, qui m’ennuyaient plutôt, que j’ai découvert le métier de commissaire-priseur ; j’ai immédiatement eu le coup de cœur. J’ai dû beaucoup travailler, faire des études d’histoire de l’art, passer un concours difficile, enchaîner en de longs stages. Je suis parti de zéro et suis arrivé à mon but : ce métier était une évidence.

Parlez-nous de Fauve Paris : vous prônez la libération des enchères et vous vous adressez à un public non-initié, pourquoi cette démarche ?

Cédric : Nous trouvions dommage que nos amis nous posent toujours beaucoup de questions sur notre métier, mais sans oser aller en vente aux enchères. Les gens ont en général une image très élitiste des ventes, symbolisées par les records mondiaux à des centaines de millions d’euros que la presse relaie. Mais j’ai par exemple vendu des objets entre 1 euro et 1,3 million d’euros. Il y en a pour toutes les bourses !

L-E : Et au-delà du fait que les gens n’osent pas aller en vente, ils n’y ont surtout pas vraiment l’occasion. À Drouot par exemple, les ventes ont lieu à 14h, et ne sont précédées que d’une journée d’exposition, la veille de 11h à 18h. Le déroulement des ventes est très codifié, les équipes des maisons de ventes n’ont pas assez de temps pour répondre aux questions et prendre le temps d’expliquer les objets. Difficile alors quand on n’y connaît pas grand-chose de pouvoir se laisser tenter.

Est-ce votre réponse à ceux qui pensent que les ventes aux enchères d’art et design sont trop élitistes ?

L-E : Tout à fait ! L’élitisme n’est pas qu’une question d’argent. C’est aussi la culture d’un entre-soi, malheureusement encore trop présent dans ce milieu. Nous avons au contraire voulu un lieu convivial, ouvert sur rue, aux horaires adaptés aux modes de vie citadins (13h-21h du mardi au samedi). Nous organisons des expositions longues (2 à 3 semaines) où nous prenons le temps de répondre à toutes les questions que peuvent se poser les non-initiés. Les ventes se passent en soirée, pour que tous les gens qui travaillent puissent y assister.

Les enchères en ligne ont-elles contribué à démocratiser les ventes aux enchères ?

Cédric : Oui et non. EBay a certes permis au plus grand nombre de se familiariser avec le système des enchères et son vocabulaire (mise à prix, prix de réserve, etc.). Mais les gens qui enchérissent sur les plateformes live qui relaient les ventes de maisons de ventes en enchères « classiques » sont souvent des habitués qui trouvent ce moyen plus pratique ou qui sont à distance. Un non-initié n’ira pas spontanément fréquenter un site comme Invaluable ou DrouotLive.

Une des particularités de votre projet est l’Abreuvoir, un bar à vin. En quoi était-ce important pour vous de relier ce lieu à vos ventes ?

L-E : Nous sommes partis du constat que souvent les gens qui aiment les belles choses aiment aussi les bonnes choses. Nous voulions un endroit convivial, où les gens prendraient plaisir à venir et revenir, un lieu de vie.  C’est aussi un «  sas de décompression » pour les plus timides, qui peuvent ainsi aborder le marché de l’art à leur rythme : d’abord un verre, puis une exposition, puis assister à une vente, et pourquoi pas, un jour, enchérir !

Cédric : Thomas Ameline, notre sommelier, est aussi historien de l’art, et avait l’envie de décomplexer l’approche du vin comme nous celle du marché de l’art. C’est un espace de plaisir et de découvertes : par exemple en cette rentrée, nous aurons à la carte des « vins fauves » (de couleur orangée)…

Pour vous, qu’est-ce qu’un bon enchérisseur ?

Cédric : C’est quelqu’un heureux d’avoir emporté l’objet qu’il convoitait !

Avec quels artiste ou designer aimeriez-vous travailler ?

L-E : Je rêve de vendre un jour une œuvre de Morandi… et de retravailler avec par exemple Le CyKlop, Mosco ou Plantu.

Et quels seront ceux à suivre dans les prochains mois ?

Cédric :  Levallet. Un jeune street artist que nous avons découvert et rencontré lors de notre vente au profit de la Croix-Rouge, c’est un génie !

Parlez-nous de vos projets futurs… Que doit-on attendre de Fauve Paris ?

L-E : Des ventes inattendues et décalées, des magalogues toujours plus créatifs… Petit exemple avec notre vente « Dolce vita » qui aura lieu le 27 novembre : nous allons mêler des objets et des œuvres autour de l’Italie de l’Antiquité à nos jours. On a beaucoup d’autres idées en tête, mais on garde un peu de mystères !

Cédric : Nous allons aussi développer les événements pour que notre lieu vive encore plus : rencontres avec des artistes, des historiens de l’art, concerts, dégustations… Il faut s’attendre à être surpris !

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few