Alors qu’on assiste à une petite révolution culinaire avec l’avènement du sans gluten et du mouvement locavore, on a voulu demander son avis à Victoire Loup, critique gastronomique, intolérante au gluten depuis dix ans, allergique au lait depuis sa naissance, mais qui nous prouve que ça ne l’empêche pas de bien manger.

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 Le sans gluten, le mouvement locavore… Effets de mode ou tendance lourde ? 

Longtemps considéré comme un effet de mode, le sans gluten a vraiment fait réfléchir les gens (les femmes, surtout) et beaucoup de sont rendu compte qu’ils étaient en meilleure forme sans qu’avec.

Le locavore est plus du côté des restaurateurs, qui prennent plaisir (et fierté) à préparer des produits de saison et de proximité. Aujourd’hui, il est plus important de servir un poireau d’un excellent maraîcher qu’un homard mal pêché !

Dans les deux cas, ces deux tendances qui ont commencé comme des modes ont désormais changé l’état d’esprit des consommateurs, qui jettent un regard neuf sur les produits. Mais ils restent encore très peu nombreux à être touchés

Comment expliquer l’engouement du public pour ces nouvelles façons de se nourrir ? 

D’une certaine manière, il y a eu un soft power du « sain », via des influencers ou la presse : le site Goop de Gwyneth Paltrow, la blogueuse Deliciously Ella, les stars faisant leur coming-out vegan et/ou gluten-free, les articles anti-sucre dans les magazines féminins… Petit à petit, la sphère médiatique a transformé les préjugés : quelqu’un qui mange local, sans gluten et avec peu de viande n’est plus un hippie, c’est un hipster.

D’un côté les burgers et les food trucks. De l’autre, les partisans d’une nourriture plus saine. Comment s’y retrouver ? Est-il possible d’allier ce « mieux-manger » au plaisir de manger ?

Le plaisir de manger n’est pas forcément incompatible avec le fait de bien manger. Un avocado toast par exemple, lubie des Californiennes healthy qui débarque désormais dans les assiettes branchées (Dersou, Paris 12, ou Ob-bla-di, Paris 3), est délicieux et sain à la fois !

Quant aux food trucks et autres modes street food, il faut savoir leur donner leur chance. À mon avis, il est important de manger sain, mais savoir manger de tout. Je ne suis pas vegan, mais j’ai découvert le mot « flexitarian » : des personnes majoritairement vegan et sans gluten, mais qui ne refuseront pas une tartelette ou une cote de bœuf si elle en vaut vraiment la peine.

En somme, il ne faut rien diaboliser : manger sain doit faire partie d’un état d’esprit sain, hors l’interdiction rigoureuse de certains aliments, et donc le sentiment de privation qui s’en suit, est néfaste pour le corps et l’esprit !

Tu vas partir prochainement à Los Angeles pour des vacances. Les américains envisagent-ils différemment la nourriture ? Sont-ils notamment plus en avance en matière d’aliments healthy ?

Les Californiens sont très en avance sur le mouvement vegan et gluten-free, et ils sont beaucoup plus avenants vis-à-vis des personnes intolérantes. L.A. regorge d’adresses pour manger sainement sans avoir l’impression de manger différemment : Gjelina’s, XXXXX, Cafe Gratitude… Mais l’Amérique reste tout de même le pays du grand-écart, et sur la même rue on peut trouver un In-n-out burger ou un spot vegan !

En tant que capitale de la gastronomie, comment la France peut-elle allier tradition et renouveau culinaire ? 

Ce n’est pas facile, car il ne faut que de nouvelles tendances (qui restent marginales, très féminines, urbaines et CSP+, il faut bien se l’avouer) viennent fagociter les recettes de nos grands-mères. Le jour où l’on ne trouvera plus que des tartes Tatin à la farine d’épeautre, on aura perdu quelque chose !

Mais certains chefs ont pris conscience de ces nouvelles tendances, et se l’approprient : Mauro Colagreco (chef du Mirazur à Menton) a réalisé un dîner vegan et gluten free pour le dîner Christian Dior, Jérôme Banctel (chef de La Réserve à Paris) ou la Pâtisserie Eugène cuisinent avec des alternatives au sucre, Armand Arnal (chef de la Chassagnette à Arles) prépare une carte intégralement sans gluten…

La vie des intolérants ou des cœliaques n’est pas encore facile au quotidien comme elle peut l’être aux Etats-Unis (où les cartes des restaurants indiquent toujours des plats vegan ou gluten-free), mais les gens changent : les marques de la grande distribution se mettent aux alternatives, les chefs font évoluer leurs cartes, des sites comme Because Gustave voient le jour…

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few