Maud-Elisa Mandeau, plus connue sous le nom du Prince Miiaou nous a parlé de son parcours, ses influences et ses projets.  Entre Paris et Jonzac, Radiohead et James Blake, un album et un film, le Prince Miiaou se dévoile.

Prince Miiaou

Prince Miiaou

Bonjour Maud-Elisa. Pour beaucoup, tu es le Prince Miiaou, peux-tu nous parler de ton parcours ?

Je suis originaire de Jonzac une petite ville de Charente-Maritime. Après deux années d’étude à Bordeaux j’ai dû partir à Paris pour poursuivre un cursus en Conception et Mise en Œuvre de Projets Culturels que j’ai terminé par un un Master en socio-anthropo spécialité politiques culturelles. De par mes études j’ai investi le milieu de la musique par des stages dans des studios d’enregistrement, festivals, boite de management. Ça m’a confortée dans l’idée que vivre de la musique était très compliqué et que j’avais fait le bon choix dans mes études : le but étant de travailler en coulisse à défaut d’être sur scène. Et puis finalement, ces stages m’ont permis de faire des rencontres notamment celle d’un assistant chez Microbe Studio qui m’a proposé d’enregistrer un album gratuitement, ce que j’ai fait en 2007 (« nécessité microscopique ! »). En 2008  j’ai enregistré un deuxième album « safety first », avec le recul je ne sais pas trop pourquoi… Surement que j’espérais quand même que quelqu’un aimerait bien. Et ça a été le cas, grâce à myspace notamment et au peu de demos que j’ai eu l’occasion de donner, les Inrocks ont parlé de moi, puis Bernard Lenoir. À partir de là, j’ai progressivement fait mon petit trou dans ce milieu.

Tu as travaillé quelque temps en coulisse avant de passer sur le devant de la scène. Faire de la musique a-t-il toujours été une évidence pour toi ?

Non pas du tout, j’ai commencé la musique vers 16 ans, ce qui est assez tardif, en tant que chanteuse dans le groupe de métal de mon grand frère, c’était plus un prétexte pour « trainer » avec les « grands » qu’une véritable passion, avant ça je n’écoutais pas trop de musique. Malgré tout j’ai vite accroché avec ce moyen d’expression, je me suis mise à la guitare, puis je me suis mise à composer des petites chansons. Étant d’un naturel très pessimiste je ne pensais pas du tout que je pourrais en faire mon métier d’où le choix de mes études qui m’auraient au moins permis de travailler dans le milieu. Je n’osais pas même rêver d’être musicienne un jour et aujourd’hui encore je sens que c’est très fragile et que ce n’est que temporaire.

Qui sont les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique ?

Radiohead, Tool, Mogwai, Pj Harvey à l’époque. Ce sont vraiment les groupes avec lesquels j’ai découvert la musique, les groupes auxquels je voulais ressembler : des modèles. En 10 ans j’ai découvert plein d’autres groupes qui m’influencent plus directement dans mes compo actuelles mais les premiers sont toujours ancrés en moi malgré tout.

As-tu des coups de cœur musicaux parmi les artistes qu’on peut écouter en ce moment ?

Alt-J, James Blake, Bon iver, BNRS. J’écoute très peu de groupes, je jette mon dévolu sur deux ou trois albums par an et les écoute en boucle.

Contrairement à beaucoup de chanteuses, tu sembles fuir les mondanités et être très discrète. C’est quelque chose que tu ressens aussi ?

Je ne sais pas trop comment répondre à cette question ! C’est vrai que j’ai été capable de refuser de jouer au Baron parce que les conditions techniques n’auraient pas permis de faire un beau concert. Même si je comprends qu’il faille travailler son image pour atteindre certaines sphères et certains publics, je n’aime pas les groupes qui misent tout là-dessus au détriment de la musique. Et puis les mondanités parisiennes ont tendance à me déprimer très vite, ça ne colle pas, je ne colle pas dans ce décor, je ne sais pas faire semblant et je fais vite tache du coup.

Si je ne me trompe pas, tu vis d’ailleurs en province, dans la région où tu es née. Le fait de vivre loin de Paris t’aide-t-il à rester concentrée sur tes projets ?

Oui et non, pour bien faire je crois qu’il faudrait que je vive à Paris pendant les phases de composition d’un disque et que je vive à la campagne pendant la promo et la tournée (ce qui est complètement illogique, car c’est bien plus pratique d’être sur Paris en période de promos ! bref). Vivre à la campagne pendant la composition tourne très vite au cauchemar, je vis en total autarcie, pas de bars, pas d’amis, pas de voisins, parfois je ne vois personne (mis à part mon copain qui vit avec moi) et ne sors pas de chez moi pendant plusieurs semaines et forcément au bout d’un moment ça rend fou. Du coup je suis partie toute seule à New York pendant 3 mois. À l’inverse pendant la tournée on est 6 dans un camion pendant des heures, je suis toujours entourée de gens aux concerts, etc. Du coup quand je rentre dans ma maison de campagne où il n’y a personne et pas un bruit, c’est formidable.

Prince Miiaou

Prince Miiaou

Deux ans après la sortie de Fill the Blank with Your Own Emptiness, tu t’apprêtes à retourner en studio. Qu’est-ce qui t’a inspiré pour ce nouveau projet ? Ta manière de travailler a-t-elle changé ?

Au-delà des groupes que j’ai découverts ces deux dernières années, ce qui m’a le plus inspirée je crois que c’est mon précédent disque ! J’ai construit et composé le nouveau en opposition au précédent, j’ai essayé d’éviter de reproduire certaines choses de mon style que je n’aime plus du tout.

Ma manière de travailler n’a pas changé, je suis toujours assise devant mon ordi, entourée de plein d’instruments à construire mes morceaux de manière chronologique c’est-à-dire que j’avance dans le morceau seconde après seconde.  J’ai tout de même changé de logiciel de musique afin de perdre mes automatismes, je me suis mise à la batterie (je joue toujours très mal je précise) et j’ai fait l’acquisition d’un synthé qui colore tous les morceaux de sonorités electros.

La plus grande nouveauté sur ce disque c’est que je me suis beaucoup plus ouverte au fait de collaborer.  Avant il était primordial pour moi de tout faire toute seule même si ce que je faisais n’était pas top. Cette fois-ci pour le bien de ma musique quand un passage ne me plaisait que moyennement et que je n’arrivais pas à en faire quelque chose de mieux j’ai demandé à Norbert Labrousse (batteur du Prince Miiaou et multi-instrumentiste) de réarranger le passage. C’était inconcevable avant, c’est encore un peu difficile psychologiquement, mais au moins le morceau me plait.

Sur Facebook, tu parles d’un « virage musical » pour ce nouveau projet. Peux-tu nous en parler ou est-ce encore off ?

Je peux en parler ! C’est un point de vue très subjectif, on n’a toujours l’impression de faire quelque chose de très différent, mais si ça se trouve le public n’observera pas un gros changement…C’est tout de même beaucoup plus minimaliste (mon précédent disque était très chargé), il n’y a presque plus de guitare alors que c’était l’instrument jusqu’ici prédominant, à tel point que je me demande ce que je vais faire sur scène. Il y a beaucoup de synthés basse très lourds, le genre de chose qui fait remuer les entrailles en concert.  Je crois qu’il y a également moins de naïveté globalement.

Un film qui t’est consacré va sortir en salle, peux-tu nous en parler ?

 Je ne dirais pas que c’est un film qui m’est consacré, j’en suis seulement le support, le sujet, c’est un film qui parle du travail, de l’acharnement, du labeur, dans un cadre musical. Pour faire court, pendant une 1h50 on me voit me débattre avec la musique! Ce n’est pas du tout le genre de film sur la musique qu’on a l’habitude voir, il n’y a pas de paillette, pas de strass, ça ne triche pas, ça n’est pas un film promo du Prince Miiaou.

Durant un an et demi, le réalisateur Marc-Antoine Roudil t’a suivi. Comment vit-on le fait d’être filmée pendant une si longue période ? N’est-ce pas un peu intrusif ?

C’était complètement intrusif pendant la phase de composition dans mon bureau de 9m² où la caméra était à 1m de ma tronche 8h par jour ! De la même manière que je monte sur scène alors que j’en ai une peur maladive, j’ai accepté la caméra alors que j’ai en horreur le fait d’être filmée, j’aime me faire mal ( !)  Le plus compliqué c’était d’accepter de ne pas avoir d’idée musicale pendant des heures alors que la caméra continue de tourner, j’avais l’impression d’être une imposture, de faire perdre son temps au réalisateur. Ne pas avoir d’idée c’est déjà très frustrant quand on est seul, mais quand en plus quelqu’un vient pour filmer la naissance de ces idées ça met très mal à l’aise! En revanche, lors de l’enregistrement, des concerts, etc. la caméra ne me gênait plus du tout.

À l’heure où la musique est en crise et où les artistes ont du mal à diffuser leurs projets, ce film s’inscrit-il dans une stratégie de promotion ou est-ce un besoin de s’exprimer et de partager des moments de ta vie avec tes fans ?

Comme je le disais plus haut, ce n’est pas mon film, ce n’est pas un film sur le Prince Miiaou, je ne suis pas à l’initiative de ce projet, je ne connaissais pas Marc-Antoine avant qu’il me contacte. C’est un film de Marc-Antoine Roudil, je ne suis qu’un support au service d’un point de vue et d’un propos qui sont bien ceux et seulement ceux du réalisateur. Si un autre réalisateur avait été présent en même temps que Marc-Antoine, un tout autre film serait né  à partir du même support. Si je devais faire un film pour me promouvoir, je tricherais plus ! Là le film me montre exactement telle que je suis, ce qui n’est pas toujours flatteur !

Selon toi, comment les artistes peuvent-ils contourner la crise justement ? Exploiter tous les médias (vidéo, web, etc.) est-il une bonne solution ?

Pffffffffffffff…. J’y réfléchis quasiment tous les jours, après 2 min je laisse tomber complètement découragée ! Finalement la crise ne concerne pas vraiment des artistes dans mon genre, il y a un tel fossé entre ce que passent les radios, la musique qui vend beaucoup, ce qui plait à la majorité et la musique que je fais que pour ma part j’ai décidé de simplement faire la musique que j’aime en acceptant que ça reste une musique de niche.

Beaucoup pensent que la scène a largement pris le pas sur le disque en tant que support de diffusion, qu’en penses-tu ? 

Je pense que ce sont deux choses complètement différentes,  pour ma part j’adore écouter de la musique seule avec mon casque et je n’aime pas trop aller à des concerts. Donc pour moi en tant qu’auditrice ça n’a pas pris le pas sur le disque. Je suis souvent déçue quand je vais voir jouer un groupe dont j’adore le disque. La scène c’est très très exigeant et peut-être plus encore quand on est soi-même musicien (je veux dire que je suis très exigeante face à la prestation des groupes, peut-être parce que je suis également musicienne).

Prince Miiaou

Prince Miiaou

Puisqu’on parle scène, as-tu une tournée prévue en 2013 ?

Rien n’est officiellement planifié à ce jour, mais si le disque reçoit un bon accueil auprès du public et des médias, normalement  les concerts reprendront fin 2013 au moment de la sortie du disque

Le mot de la fin ?

C’est le moment où il faut être drôle, subtile ou original :  Au-revoir  et merci

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few