C’est en allant chez Bagnard que nous avons découvert le travail de Caroline Lory, qui a la particularité – outre le fait d’avoir un talent immense – de travailler sur des projets d’envergure très différente, allant du grand hôtel ou nouveau spot food à connaitre. Rencontre avec architecte dont on va beaucoup entendre parler.

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Bonjour Caroline, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Après mon diplôme en Architecture Intérieure et Design à l’ESAG Penninghen à Paris, je suis partie travailler au Maroc pour un programme européen de réhabilitation du Patrimoine. Puis j’ai eu la grande opportunité d’être invitée à l’Université de Princeton New-jersey, en vue d’une spécialisation en tant qu’architecte urbaniste que je remets à plus tard pour intégrer l’Agence de Philippe Starck, dans laquelle j’apprends toutes les ficelles du métier vitesse grand V. Six années de projets extraordinaires pour des clients «intouchables» dans le monde entier. Je choisis par la suite de suivre Bruno Borrione (collaborateur de Starck depuis toujours) pour monter notre agence; collaboration idyllique qui durera quatre années au terme desquelles je décide de me lancer en solo.

Le design et l’architecture d’intérieur ont-ils toujours été une passion pour vous ?

Bien que je me souvienne avoir été très vite attirée par l’univers de la décoration, j’ai intégré mon école afin de devenir graphiste. J’ai toujours aimé dessiner et l’univers artistique a été pour moi une évidence. Cependant, j’ai découvert au détour d’un workshop l’univers de l’architecture et la jubilation de l’élaboration concrète d’un projet. J’ai été très sensible à l’esprit d’équipe qui est forcément induit dans ce type de réalisations et je me suis éloignée du graphisme et sa notion de compétition qui s’est avérée ne pas me ressembler.

Qu’est-ce qui vous inspire au quotidien ?

Chacun de nous est influencé au quotidien sans même s’en apercevoir. Je m’en rends compte relativement souvent quand je retrouve une idée que je pensais mienne dans un détail par-ci, dans une image par-là… Sommes-nous inspirés ou influencés ? Je ne saurais vraiment répondre; par contre, dès que je prends possession du lieu à réinventer, je vois en général instantanément la direction que je vais prendre.

Quel projet a été le plus enthousiasmant pour vous ?

Tous les projets le sont. Je pense plutôt à un vrai challenge et je parlerais de la boutique Mercer Rive Gauche, en face du Bon Marché. L’univers des boutiques n’est pas ce que je maîtrise le mieux, et cela a été un vrai défi : réussir à installer un sentiment de confort et de convivialité chez la clientèle, jusqu’à se sentir comme chez soi et oublier que l’on est  bel et bien dans une boutique de vêtements.

Sur quel projet auriez-vous aimé travailler ?

J’aime beaucoup m’amuser des contraintes. J’expérimenterais bien la vie en espace plus ou moins confiné comme un bateau ou un avion. Aussi, j’ai toujours eu envie de repenser un univers qui fait partie de notre quotidien, comme une pharmacie ou une boucherie par exemple… Un de mes souhaits serait de réaliser mon bistrot des amis, et passer derrière le comptoir bien sûr !

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Se lancer en tant qu’indépendante après être passée chez Philippe Starck et Bruno Borrione, est-ce un défi ou juste la suite naturelle des choses ?

Je vois mon parcours comme un enchaînement logique et très naturel en effet. J’ai eu la chance de faire mes classes auprès de grosses pointures, et je crois avoir bénéficié d’une grande bienveillance qui m’a permis d’envisager mes débuts avec beaucoup de sérénité. Plutôt qu’un défi, je parlerai d’une évidence : pour moi la création mérite que l’on prenne le risque de s’exposer aux critiques; elle est trop personnelle pour ne pas oser s’affranchir un jour de ses pères.

Avec la rénovation du Chalet des Iles, de la Dame de Pic et votre travail pour le Mama Shelter Paris ou encore récemment Bagnard, vous êtes considérée pour l’une des architectes les plus prometteuses du moment. Comment envisagez-vous ce succès ?

Je pense que n’importe quel créatif recherche à un moment donné la reconnaissance de son travail, cependant je ne suis pas en quête de succès. L’essentiel pour moi est de pouvoir aborder des projets plus inspirants les uns que les autres le plus longtemps possible, avec pour moteur de faire des rencontres fabuleuses. Je recherche à satisfaire au mieux les personnes qui m’ont données leur confiance et la chance de laisser ma trace. Cela implique beaucoup de responsabilités et ce n’est pas une mince affaire finalement !

Vous avez la particularité de travailler sur des projets de grande envergure comme le Prince de Galles et sur des projets un peu plus confidentiels comme Bagnard. En quoi le processus créatif est-il différent ?

A priori je ne pense pas que le processus diffère. J’aborde chaque projet de la même manière, à savoir satisfaire au mieux le client et répondre le plus précisément, quelle que soit l’envergure du projet. Les nuances se situeraient plus dans la façon d’appréhender le sujet. D’un côté je peux faire face à un long processus extrêmement maitrisé avec des attentes très spécifiques, parfois même codifiées. De l’autre, un travail d’élaboration d’un concept dans tout son ensemble, un processus d’identification. Dans les deux cas il s’agit d’accompagner le client, en l’épaulant ou en le guidant.

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 Avez-vous plus l’occasion de vous « lâcher » sur des projets comme Bagnard ?

Je ne dirais pas cela. Il est possible « d’oser » de plein de manières différentes, et l’envergure d’un projet n’en est pas le seul point de départ. Les projets plus modestes sont curieusement plus complexes, car il faut trouver des idées simples, mais précises voire percutantes. Je trouve pour ma part, que c’est finalement bien plus compliqué. Pour Bagnard, c’était un vrai travail d’équipe. D’un autre point de vue, ce type de projets invite à plus de complicité aussi peut-être.

Quels sont vos futurs projets ?

Un bar/restaurant dans le « So-Pi » comme il conviendrait de dire depuis quelque temps ! («South-Pigalle»), les espaces publiques d’un petit hôtel à Bastille, un bel appartement haussmannien près du Parc Monceau et une maison en Champagne.

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A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few