C’est un magazine grand public qui m’a fait sortir les crocs il y a quelques temps. Soudain, un média qui ne brille pas toujours par sa subtilité intellectuelle découvrait l’édition indépendante, le viseur même de BooKalicious. L’essentiel de ma Pile à Lire, qu’elle soit personnelle ou professionnelle.

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Des éditeurs indépendants, il y en a. Des bons, des vrais, des gens capables de prendre des risques et d’offrir une littérature de qualité à un lectorat réduit, mais fidèle. « Parle-moi de tes éditeurs préférés » m’a proposé Déborah. J’ai sauté sur l’occasion!

Le plus dur ? En choisir ! Parmi Allia, Tristram, La Ville Brûle, Antidata, Christophe Lucquin, Le Diable Vauvert, 13e Note, Gallmeister, Monsieur Toussaint Louverture, Cambourakis, Christian Bourgois, Sabine Wespieser, La Manufacture de Livres, Derrière la Salle de Bains, E-Fractions, Asphalte, Claire Paulhan, Finitude, L’Editeur Singulier… Imaginez un dilemme cornélien sous uranium entouré de zombies véganes et de poussins cannibales. Vous êtes prêts ?

Le Diable Vauvert

Avec le Diable, c’est une histoire d’amour qui dure depuis… Près de 15 ans. Adolescente, je découvre Poppy Z Brite et une littérature qui deviendra mon univers de prédilection. C’est par hasard que je vois un livre du Diable Vauvert sur une table de librairie : un Poppy que je n’avais pas lu. Au Diable, ce sont d’abord les couvertures qui m’avaient interpellées, ce côté très anglo-saxon et imagé, loin des couvertures tristounettes ou uniformes propres à la France. J’aime leur éclectisme, le fait de pouvoir aussi bien lire Lydia Lunch que Titiou Lecoq, Poppy Z Brite qu’Irvine Welsh, Tao Lin que David Foster Wallace ou John King. Ils arrivent, avec leur ligne éditoriale à la fois ouverte et très pointue, à cibler large sans pour autant se vendre aux têtes de gondoles ni sacrifier l’underground au mainstream.

13e Note

Feu 13e Note, devrais-je dire. Lancée en 2009, la maison a mis la clé sous la porte l’année dernière, provoquant une vague de dépression chez les amateurs de « contre littérature » ou littérature un peu trash aux entournures, tournées vers des losers, des anciens junks, des trajectoires de vies abîmées et magnifiées par des plumes trempées dans l’acide. Si vous avez des livres de cette maison, gardez-les précieusement. Ils ne se trouvent plus et commencent à s’arracher à prix d’or! 13e Note m’a fait découvrir Mark Safranko, dévorer Dan Fante, Rob Roberge, Tony O’Neill, Patrick O’Neil, Antonia Crane, Olivier Martinelli, JR Helton… Bref des écrivains qui en ont sous le pied et parlent sans faux-semblants de leurs galères et de leur vie en morceaux. C’était une vraie maison rock’n’roll, avec une ligne éditoriale certes très restreinte, mais vraiment pointue pour les amateurs de ce genre littéraire.

Gallmeister

Avec eux, comment dire… D’une part on peut choisir les yeux fermés n’importe lequel de leurs livres, et d’autre part, chaque newsletter s’accompagne d’une excitation doublée de « mais je ne vais jamais avoir le temps de tout lire, je veux TOUT lire!! ». Spécialisés dans la littérature américaine, dans les voix singulières qui parlent de guerre, de grands espaces, de dilemmes intérieurs, de vies pas toujours très simples, les Editions Gallmeister ne sortent jamais de mauvais livre, ou de « ouais c’est pas mal ». Ils sont excellents! Les écrivains qu’ils publient, quels que soient leurs récits, leurs parcours, leurs histoires, sont tous de grands romanciers, au sens classique du mot presque. On flirte avec la Grande Littérature, les pieds dans le cambouis et les mains dans la besace de pêche. Leurs polars aussi sont vraiment géniaux, toujours surprenants, décalés, grinçants… Enfin c’est une maison que je commence à vénérer sérieusement et dont je parle le plus souvent possible. Une telle qualité, ça se défend!

Derrière la Salle de Bains

Ici, on est dans un autre genre d’édition, on est dans l’artisanat. On m’a parlé de cette maison un jour, par hasard, et j’ai été séduite par le concept : des livres objets fabriqués à la main, en tirages minuscules donc. Ils ne comportement que quelques pages chacun, poèmes, dessins, textes courts, mais sont absolument superbes. On trouve Burroughs, Darc, Gysin, Thompson, Bukowski, c’est très « alternatif » comme culture, assez underground, mais sans stéréotypie aucune. L’éditrice, Marie-Laure Dagoit, est une anarchiste littéraire, un esprit libre et insoumis qui adore son métier, qu’elle connaît parfaitement et défend avec plaisir et humour. Elle fabrique elle-même les livres, des typos de la couverture au pliage, qu’il s’agisse de petits livres ou de coffrets. Il y a même des bagdes, des crayons, des coloriages, des livres de photos licencieuses… Enfin c’est vraiment beau, j’en achète souvent en me disant que ça sera super pour des cadeaux, mais je les garde tous jalousement.

Et je me renierais si je ne parlais pas de quelques petits éditeurs qui ont le bon goût de proposer des nouvelles. Genre à part entière aux USA, la nouvelle en France, c’est mal vu. Soit c’est limité aux gens qui ne savent pas écrire et se contentent de faire court en espérant que ça passe, soit c’est considéré comme « pas vendeur » donc très difficile à placer pour l’auteur, et à trouver pour le lecteur. J’ai découvert quelques maisons récemment qui en éditent, et de très bonne qualité. Zinc Editions – très conceptuels et disjonctés aussi, avec des livres objets improbables en plus de leurs nouvelles à l’unité – , Antidata – qui publie des recueils thématiques ou d’un seul auteur, et des textes courts – , et bien sûr, E-Fractions, maison d’édition numérique qui a le bon goût de proposer de la vraie littérature contemporaine, de la nouvelle au roman, en passant par le journal de bord d’écrivain. Et je vais m’arrêter là parce qu’après, tout le monde dormira. A vos librairies!

A propos de l'auteur

Chroniqueuse littéraire