« No Go Zones« , « gentrification de quartiers »… Depuis quelques mois, le nord de Paris est l’un des sujets préférés de la presse française et internationale. Pour faire le point au-delà de tous ces avis contradictoires, Spanky Few a interviewé une habitante du 18e arrondissement. Et comme le hasard fait bien les choses, il s’agit de notre journaliste style favorite, Bérénice Laroche.

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Bérénice, pourquoi avoir choisi de vivre dans le 18e arrondissement ?

J’habitais dans le 11e dans un studio, en 2006 j’ai eu envie de plus grand. Beaucoup de mes amis habitaient vers Lamarck-Marcadet-Château rouge, j’y étais souvent et j’aimais l’esprit village de ce quartier.

On parle beaucoup du phénomène de gentrification des quartiers nord de Paris, certains appellent par exemple Belleville « Belleville Hills ». Dans le 18e, c’est la Brasserie Barbès qui a créé la polémiqueEn tant qu’habitante du quartier, comment appréhendes-tu ces changements ? Ont-ils vraiment un impact sur le quotidien d’un quartier ?

Je suis pour la diversité et la mixité. Je ne veux pas vivre dans un ghetto qu’il soit pour riche ou pour pauvre ! Je ne suis pas cliente de la Brasserie Barbès, mais elle ne me dérange pas du moment où j’ai toujours des bars et restaurants de quartier plus accessible et pour le moment c’est le cas ! Le succès de ce genre d’endroit va encourager les initiatives en tout genre et dynamiser le quartier. D’autres vont arriver, si la mairie fait bien son boulot, il y en aura pour tous.

Le Huffington Post parle de « revanche des cités ouvrières ». Concrètement, quels changements as-tu vus apparaître dans ton quartier ? Comment le décrirais-tu aujourd’hui ?

L’esprit du quartier n’a pas tant changé ! Ok il y a quelques nouveaux établissements plus « trendy » pour autant le quartier reste populaire, varié, avec beaucoup de commerces de proximités. On parlait de la Brasserie Barbès, avant c’était Vano (magasin discount) et bien encore avant c’était une grande brasserie chic !

La géographe Anne Clerval a écrit dans Paris sans le peuple « «La transformation des commerces et en particulier des cafés en est l’idéal type [de la gentrification], […] ils contribuent à faire connaître un quartier en le rendant “branché” et attirent une population plus large que les habitants du quartier […] » Que penses-tu de cette citation ?

Oui c’est vrai, l’arrivée de ce type d’établissement attire, mais pourquoi pas ça amène du sang neuf, ça change, ça bouge, ça évolue. Ce qui compte c’est la variété des établissements.

Aujourd’hui, existe-t-il des tensions entre les « anciens » du quartier et les nouveaux venus, considérés par certains comme des « bobos » ?

Des tensions tu en auras partout, entre n’importe qui et peu importe ce qui se passe, c’est notre marque de fabrique nationale ! Le 18e n’en est pas a sa première mutation ! Ma grand-mère habitait boulevard Ornano, dans les années 40-50 c’était un quartier très petite bourgeoisie ! Mais concrètement, à part les habituelles tensions entre les crackés de Château Rouge et les dealers, rien de nouveau !

Selon toi, comment la situation va évoluer ? Le 18e peut-il devenir un deuxième Marais ? Si oui, quel sera l’avenir des habitants des quartiers populaires, notamment avec la flambée de l’immobilier ?

La gentrification est la même pour tout le monde. OK aujourd’hui ce sont les classes ouvrières qui partent des arrondissements limitrophes. Et bien demain ça sera à mon tour. Peut-être que le 18e sera le nouveau Marais ! Mais je n’y habiterai plus ! Quand je suis arrivée à Paris en 1998, j’habitais dans le 6e, puis je suis allée dans le 10e, le 11e et maintenant le 18e . À chaque fois je me suis éloignée du centre, mais ça ne me dérangeait pas dans la mesure où je ne me sentais plus à ma place et je préférais aller dans un autre quartier plus à mon image. J’habite le 18 depuis dix ans, je me sens bien dans ce quartier, le jour où il aura trop changé, j’irai ailleurs. Il faut être mobile.

L’avenir est-il finalement de l’autre côté du périph’ ?

Je viens de déménager toujours dans le 18e à quelques pas du périph’ ! J’ai vécu à Londres à Hakney, qui correspond à la banlieue pour nous. Il y avait tout sur place, transport, bars, commerces, infrastructures, ambiance… Donc, traverser le périph’ et y retrouver sa vie de quartiers et ses amis pourquoi pas ! À long terme Paris se videra peut-être de ses habitants, de sa vie, c’est triste, c’est dommage. Mais on aura recréé nos quartiers, nos habitudes ailleurs et on ira à Paris comme des touristes… ce qui n’est pas dramatique non plus du moment qu’on est bien là où on vit !

 Crédits Photos : Pauline Bernard / MYOP diffusion

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