Alexandre Armengol Areny par Astrid Penny K.

Alexandre Armengol Areny par Astrid Penny K.

Figure de la scène electro parisienne, Alexandre Armengol Areny est aussi un incroyable touche-à-tout pour qui la musique est plus qu’une passion mais un véritable mode de vie. Avec le projet AV dont on vous parlait il y a quelques semaines, il s’illustre dans le rôle de producteur et il le fait bien. Aujourd’hui, il nous parle de ses influences, de ses projets et de sa vision du futur de la musique. Attention, vous allez l’adorer !

Alex, peux-tu nous dire qui tu es, quel est ton parcours et quelles sont tes influences ?

Hello Spanky Few ! Je suis membre de Puss In Boots, dont je m’occupe des machines, des claviers et de la production. A côté de ça, je me suis lancé dans la réalisation pour plusieurs artistes dont AV, projet qui me tient particulièrement à cœur et dont j’attends de grandes choses cette année. Enfin, je compose tout un tas de titres à des fins d’édition mais pas que : synchros, bandes originales, performances artistiques, remixes… Mon parcours est somme toute assez banal: une première grosse gifle musicale à l’adolescence, mes dieux à cette époque-là s’appelait Robert Smith et Trent Reznor. De la forcément, tu décides de te mettre à un instrument, la basse dans mon cas, puis de trouver une bande de potes ayant les mêmes velléités pseudo-artistiques pour monter un groupe.  Après plusieurs expériences plus ou moins heureuses, j’ai découvert la musique électronique par le biais de l’electroclash et là, Pan ! Nouvelle gifle. J’étais pourtant peu friand de danse music, l’aspect hédoniste inhérent aux clubs me rebutait franchement, mais voire ces nouveaux punks armés de 2 synthés, d’1 boîte à rythme pourrie et d’une attitude véritablement sex, drugs & rock n’roll, m’a permis de remettre en question pas mal d’idées reçues sur la création, la composition et donc la production musicale. De là, j’ai viré mes groupes, ou alors on m’a viré, je ne sais plus, et j’ai dépensé toutes mes économies dans un ordinateur, une groovebox et un Korg MS-20 à moitié pété. Puis, suite à ma rencontre avec Laura Chevalier, j’ai intégré Puss In Boots, grâce auquel j’ai pu tester tout ce joli petit monde. Depuis, le démon de la production ne m’a plus jamais quitté.

Tu t’es mis depuis peu à la production, c’était un réel besoin pour toi de passer derrière la console ou une simple envie de tester quelque chose de nouveau ?

C’est la suite logique en fait. Au sein de Puss In Boots, on a commencé à 2, avec très peu de moyens, ce qui m’a amené à me creuser la tête pour faire sonner nos chansons comme si elles étaient jouées par 10 personnes. C’est galère, mais particulièrement formateur ! Et puis, la musique électronique est selon moi, n’en déplaise aux puristes, le meilleur moyen d’aborder la création musicale dans son ensemble. Se retrouver tout seul avec un ordi et des machines implique de penser chacun des sons comme s’ils étaient joués par une personne différentes, ayant chacune une attitude propre. Ca force l’abnégation ! Ensuite, quand de véritables instruments rentrent en jeux, ce ne sont plus que des pierres/sons à rajouter à l’édifice, même si l’égo du musicien peut parfois être un frein (rire).  La console a de ce fait toujours eu une grande place dans ma vie et tester de nouvelles choses est devenu un leitmotiv permanent.

Pas trop dur de bosser sur un projet dans lequel tu ne joues pas ?

Au contraire, si ça se plante, ce n’est pas moi qu’on clouera au pilori ! Plus sérieusement, être un homme de l’ombre permet de regarder un projet dans son ensemble, avec beaucoup plus d’objectivité. Cela permet de garder la tête froide afin d’aider le groupe ou l’artiste à garder le cap que nous nous sommes fixé en amont. D’autant plus que je ne suis pas toujours compositeur ou auteur sur un projet. Et puis même si je ne joue pas, j’accompagne les groupes en répétition, en concert, en résidence, dans les bars. La musique, c’est avant tout une aventure humaine, une histoire de potes avec ses hauts et ses bas, peu importe ta place dans un projet, si tu n’en retires pas quelque chose de fort qui te pousse à te lever le matin, autant faire autre chose. Et même si au fond cela reste un business, c’est un business du cœur. Cela n’engage que moi et peut paraître puéril, mais j’y crois dur comme fer : un disque réalisé avec son cœur et ses tripes aura bien plus d’impact sur le public que n’importe quelle merde préfabriquée. Après, c’est juste une histoire de prise de risque, de promotion et de gros sous, mais c’est une autre histoire…

Ca te donne envie de produire d’autres projets ?

Bien sûr ! Actuellement, mes moyens et mon temps ne me permettent pas trop de pousser le vice, mais dans un futur proche, clairement. C’est toujours excitant de travailler sur quelque chose de nouveau, de faire de nouvelles rencontres. Tout est matière à expérimenter et ce que tu fais avec les uns peut avoir une incidence heureuse sur la chanson d’un autre.

Alexandre Armengol Areny par Astrid Penny K.

Alexandre Armengol Areny par Astrid Penny K.

Tu es très ancré dans une mouvance électro, aurais-tu envie de produire un autre type de projet dans le futur ?

Si un projet me plaît (condition obligatoire), je ferai tout mon possible pour qu’il sonne du mieux qu’il peut, peu importe le style, je suis prêt à tout « quand la musique est bonne » (rire) Enfin, j’avoue que du reggae, j’aurais vraiment du mal, definitely not my cup of tea !  Pour faire une bonne réal’, il faut y croire et donc savoir y renoncer si tu as le moindre doute. Personnellement, je sais que mon background m’empêchera un certain temps d’élargir mes horizons. Si on fait appel à moi c’est parce qu’on connaît mon travail et si je contacte un artiste, c’est parce que je pense pouvoir lui apporter une véritable valeur ajoutée. Les enjeux sont souvent importants, donc autant être sûr de son coup.

Qu’est-ce qui fait un bon producteur selon toi ?

(rire) Bonne question ! Déjà, une main ferme dans un gant de velours. La psychologie et l’empathie sont aussi importantes que les idées que tu apportes. L’état d’esprit est primordial pour la bonne réalisation d’un projet, donc autant faut faire en sorte qu’il soit toujours au top. De la patience (beaucoup…). Une solide culture musicale et au moins quelques notions d’harmonie et de solfège (et oui…). Une grosse curiosité pour le son, sa création et les instruments qui le génèrent. De la bouteille (Jack Daniel’s de préférence) et un abonnement aux Inrocks ou à Télérama. (Très important, permet de voir en amont comment tu vas te faire bouffer à la sortie du disque par la critique, ça évite les mauvaises surprises). Accessoirement, de bonnes oreilles, ça peut toujours servir, sait-on jamais…

Comment vois-tu ton avenir dans la musique ? Et l’avenir de la musique en ces temps de crise du business ?

Le système est en train de changer, on n’y peut rien, donc autant en être un acteur plutôt qu’un spectateur laissé pour compte sur la route, voire pire, une biche écrasée sur ladite route. Une chose est sure : point de salut sans l’édition ! Ca et les concerts représentent la majorité des revenus générés par la musique, il vaut mieux se faire à l’idée et éviter de dépenser des millions dans un album que ne se vendra pas. La France est encore un peu à la ramasse mais les choses évoluent dans le bon sens : plusieurs sites de co-funding sérieux (je ne parle pas de mymajorcompany ) ont fait leur apparition et permettent vraiment une belle synergie entre un artiste et son public. AV a par ailleurs pu financer son premier clip grâce à ça. J’attends aussi avec impatience la mise en ligne de MyTourManager, qui va permettre aux artistes et aux lieux de diffusions de communiquer beaucoup plus facilement. Les artistes vont par contre devoir créer plus que jamais du contenu et trouver toujours de nouveaux moyens pour diffuser leurs créations. Fini l’album tous les 3 ans…  Désolé…  Enfin, je pense qu’il faudrait que l’industrie musicale française rentre vraiment dans le 3e millénaire et stoppe cet espèce de protectionnisme culturel. Déjà, les quotas sont une aberration, mais surtout on devrait être fier de notre langue et chercher à l’exporter, plutôt que se concentrer sur un marché plus que réduit. On vit dans un monde global, BORDEL !  C’est un doux rêve, mais ça serait beau, Christophe et Sébastien Tellier au Madison Square Garden, non ? Ils leur diraient les mots bleus…

Un dernier mot ?

Je sens que je vais dire une connerie donc je vais en rester aux formules d’usage : Merci Spanky Few et bonne année à vous et vos lecteurs. Profitez en bien, c’est la dernière à ce qu’il paraît…

Alexandre Armengol Areny et AV par Astrid Penny K.

Alexandre Armengol Areny et AV par Astrid Penny K.

A propos de l'auteur

Créatrice de Spanky Few